La discrétion du commandant Hélie de Saint-Marc
Il arrive qu’un peuple, une minorité, une corporation éprouve le besoin de désigner une personne jugée remarquable par l’action ou la pensée pour l’exalter en un personnage exemplaire, à qui le groupe ou l’individu puissent s’identifier. Le héros, la part faite à sa valeur humaine intrinsèque, est une construction collective. Le phénomène s’observe au mieux dans le domaine du politique, dont relèvent les deux articles qui suivent, s’agissant d’une personne vivante qui se prête à la fabrication de la légende élaborée à son sujet, voire l’alimente.
L’enjeu est de la mémoire d’une sanglante décolonisation achevée voilà près d’un demi-siècle, du sens à donner à des événements politiques et militaires qui ont laissé des traces profondes dans la conscience de ceux qui les ont vécus, mais aussi de qui en éprouve encore aujourd’hui les conséquences, en Algérie, en France, en Indochine et ailleurs. Examiner, jusqu’à les déconstruire, la constitution à leur propos de représentations historiques erronées, est profitable à tout un chacun.
Le présent dossier comprend deux éléments :
l’article « Hélie Denoix de Saint-Marc ou la fabrication d’un mythe », par Gilles Manceron, historien.
« La restitution du débat : Mémoires des guerres de décolonisation et l’institution militaire (20 septembre 2006) », par Valentin Pelosse, sociologue. [ci-après]
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La restitution : Mémoires des guerres de décolonisation et l’institution militaire (20 septembre 2006)
par Valentin Pelosse
Sociologue, chargé de recherche au CNRS, retraité, Valentin Pelosse a édité les textes de Joseph Déjacque, de Claire Démar, de Gustave Lefrançais, et, avec Miguel Abensour, d’Auguste Blanqui. Avec quelques amis, il a créé le site http://joseph.dejacque.free.fr.
"Les ancêtres redoublent de férocité."
Kateb Yacine
Le carton d’invitation pour la soirée du 20 septembre 2006 piquait la curiosité : dans un cartouche de lauriers, SERVIR ? Hélie de Saint-Marc, nom qui m’est inconnu, en vignette photos aux trois âges de la vie, l’une en tenue de para, le lieu, l’Ecole Militaire. L’imposante façade classique à l’extrémité du Champ de Mars cache l’ordinaire de bâtiments et de cours d’une caserne, une chapelle, et le vaste auditorium Foch, comble, plus de trois cent personnes. Une dominante de retraités à l’allure militaire, souvent leur épouse, quelques officiers en uniforme, et le tout venant de gens concernés par la décolonisation de l’Algérie ; en haut de l’amphi un contingent de jeunes hommes disciplinés abaisse la moyenne d’âge. Le film (52’) montre de trois quarts, assis, un « vieux Monsieur fatigué » et courtois qu’interroge hors champ Georges Mourier, interview ponctuée d’images d’archive évoquant le contexte historique.
Famille ancienne de bourgeoisie bordelaise et de hobereaux du Périgord, éducation dans un collège de Jésuites, des figures héroïques : Psichari, Père de Foucauld, Bournazel, Guynemer, Mermoz. Il a dix-huit ans en Juin 1940. L’adolescent franchit par bravade la proche ligne de démarcation entre zone occupée et zone libre, espace familier devenu interdit, ce qui l’amène au printemps 41 à être recruté par un réseau de résistance. Arrêté en juillet 1943 en tentant de passer en Espagne (un passeur agent double), déporté à Buchenwald, il survit jusqu’à sa libération en avril 1945 – par miracle, car il n’appartient à aucun réseau de « politiques » coopèrant avec l’autorité du camp pour la gestion du quotidien des déportés. Brûlé par l’expérience concentrationnaire au point de ne pouvoir se réadapter à la société de l’immédiat après guerre, ses titres de résistant lui permettent d’intégrer Saint-Cyr. Il choisit la Légion étrangère.
L’Indochine en 1948. Il y fera trois séjours, instructeur de supplétifs indigènes, abandonnés à la vengeance de l’adversaire à mesure que se réduit le dispositif militaire français au Tonkin. Mais c’est aussi la découverte d’une culture exotique, griserie des femmes mystérieuses et accessibles. Dès 1954, le voilà en opération en Algérie avec le 1er REP (régiment étranger parachutiste). Il est de l’expédition franco-britannique à Suez contre l’Egypte de Nasser à l’automne 56, puis est affecté durant la « Bataille d’Alger » à l’état-major de la 10° division parachutiste que commandé le général Massu. Enthousiasmé par le retour au pouvoir de De Gaulle en mai 58, il devient un proche collaborateur du général Challe. Mais le 22 avril 1961, sa vie bascule : alors commandant par intérim du 1er REP, il entraîne cette unité d’élite dans le putsch des généraux, car il refuse la politique gaullienne d’acheminement vers l’indépendance de l’Algérie qu’il vit comme un abandon de la population européenne et des musulmans qui ont pris le parti de la France. Le 25 avril, fiasco du putsch. Il se rend aux autorités, couvre ses subordonnés. Condamné à dix ans de réclusion, il sort de la prison de Tulle en 1966, gracié de la moitié de sa peine. A quarante-cinq ans, il se reconvertit laborieusement dans la direction du personnel d’entreprises. Suite aux amnisties successives le commandant Hélie Denoix de Saint-Marc recouvre ses droits civils et militaires, est fait commandeur de la légion d’honneur, devient conférencier pour défendre son passé, publie des Mémoires. Les champs de braises (Perrin, 1995), écrites en collaboration avec Laurent Beccaria, un petit neveu. Au final on a l’impression d’un vieil homme apaisé dans son mas provençal.
La projection m’a laissé songeur. Le documentaire, ai-je retenu de la présentation de Georges Mourier, est le septième d’une série, Le Choix des hommes, suite de portraits de personnes confrontées dans un contexte historique fort à la logique impérative d’un choix, d’une prise de décision qui engagera leur vie (1). Son intention est non de les juger mais de pénétrer leur humanité et leur sensibilité, une démarche qui n’est pas dans l’air du temps où l’on vous demande de choisir d’abord votre camp avant de traiter d’un sujet historique. Cinéaste et non pas historien, il se présente comme « un enfant de la paix », entendons d’une génération qui a toujours connu la paix civile. Son objectif est de discerner comment une personne d’une autre génération avec qui il est aujourd’hui en état de communiquer a vécu des situations extrêmes, et par là a franchi une limite au-delà de laquelle se révèle le fond de l’homme, situations que « les péripéties de l’histoire » nous empêchent maintenant de comprendre ou d’admettre. Si ce travail de pénétrer l’humanité de chacun n’est pas fait, on ne peut avoir qu’un regard moral sur l’histoire, alors « les morts d’hier feront les morts d’aujourd’hui ». G. Mourier concluait en espérant que l’assistance regardât le film « avec la sérénité dans laquelle je l’ai fait ».
Le débat se met en place. A la tribune, aux côtés du réalisateur, deux historiens : Jacques Delarue, commissaire divisionnaire honoraire (Histoire de la Gestapo, et L’OAS contre De Gaulle), et Gilles Manceron (D’une rive à l’autre, la guerre d’Algérie. De la mémoire à l’histoire, et Marianne et les colonies. Une introduction à l’histoire coloniale de la France ; co-directeur de Mémoires et enseignements de la guerre d’Algérie). Modérateur, Geneviève Dreyfus-Armand, directrice de la BDIC. Les débats sont reconstitués à partir du décryptage de leur enregistrement. Une transcription intégrale dépassait le cadre d’un article, on a alterné citation littérale, paraphrase au discours direct ou indirect, résumé. Le résultat renvoie à une interprétation personnelle, donc contestable. En tête de chaque intervention le chiffre de minutage, par exemple (7e ’) signale son début sur le CD de l’enregistrement, afin de faciliter le repérage sur l’original (2). Par ailleurs, si l’on soustrait cette indication de minutage, ici (7’), de celle du démarrage de l’intervention suivante, soit ici (9’30), on obtient pour la première intervention de J. Delarue (infra) une durée de deux minutes et demie. Et ainsi à la suite (pour les interventions du public, on déduira le temps de circulation du micro mobile).
On débute par un vif échange entre historiens et le réalisateur, Georges Mourier, sur les pratiques de l’armée française durant la guerre d’Algérie.
J. Delarue (7e ’) interroge G. Mourier sur la torture. L’année 1957 a été cruciale, c’est alors que les pouvoirs de police passent à l’armée dans la zone d’Alger. Venu avec un groupe de camarades il y a séjourné un mois et demi, en janvier-février 1957. On ne parlait que de l’affaire de la Villa des Sources : un groupuscule clandestin de civils activistes, impliquant des militaires, avait séquestré un musulman abusivement soupçonné d’appartenance au FLN, et qui était mort sous la torture. En février 1957, Saint-Marc quitte le 1er REP et devient directeur du cabinet du général Massu, chargé des rapports avec la presse. Il y est toujours en juin 1957 lors de l’arrestation et de l’assassinat de Maurice Audin par des militaires, alors que des document d’arrestation sont falsifiés pour accréditer une supposée évasion ; on ne parlait que de cela à l’état-major. Saint-Marc par sa fonction était au cœur de l’affaire et connaissait tous les détails. Pourquoi ne pas avoir posé des questions précises à « cet humaniste » [le terme apparaît dans le film] qui condamne la torture, et savoir ce qui il en pense maintenant ?
Le réalisateur (9’30) réplique d’un « Je n’y était pas » », de même d’ailleurs que pour les autres documentaires du Choix des Hommes. Saint-Marc dans ses Mémoires, a donné des réponses à la fois précises et pudiques à propos de l’effervescence qui a caractérisé ce moment-là, la bataille d’Alger, où les responsables n’ont pas eu d’états d’âmes. L’homme vu dans ce film a-t-il l’air d’un bourreau ? Mais comment a-t-il pu tolérer – je ne dirais pas pratiquer, et ne veux pas entrer dans cette polémique – de tels agissements ? Je ne peux apporter de réponse précise. Il s’agit des profondeurs de l’âme humaine, de sa part d’ombre. « Même le lilas blanc a une ombre », dit un proverbe Tho [tribu montagnarde du Tonkin parmi laquelle Saint-Marc a organisé une force supplétive]. Le réalisateur ne se veut pas de la mouvance actuelle, qui a ses bons et mauvais côtés, et fonctionne sur des critères soi-disant objectifs qui demain seront obsolètes comme ceux d’hier l’étaient. Je n’ai pas de réponse. Je veux que cette interrogation renvoie chacun à sa propre conscience. C’est la seule chose que je peux me permettre moi, « enfant de la paix ». La grande différence entre vous et moi est générationnelle, puisque vous pouvez me dire : j’y étais. Il faut dans ce cas-là essayer de comprendre ce qui écorche notre morale, une certaine foi, le fait que les gens, si admirables soient-ils, ne sont pas conformes à ce que l’on voudrait qu’ils soient. La seule chose que j’ai puisé dans la réalisation de la série Le Choix des hommes, qui aborde aussi bien la deuxième guerre mondiale que le monde stalinien ou, avec Abdelkader Rahmani, la guerre d’Algérie, c’est l’humilité, car je ne peux répondre à la question : qu’aurais-je fait en semblables circonstances. L’aspect non polémique de ma démarche est d’amener les gens à se poser les mêmes questions. Vous apportez votre témoignage sur 1957, on pourrait le confronter avec celui de gens qui ont connu d’autres horreurs, comme Jacques Rossi, agent du Komintern envoyé au fond du goulag. « L’horreur reste l’horreur et il n’y a pas de hiérarchie dans l’horreur ».
J. Delarue (14’05) souligne la responsabilité des politiques qui chargèrent l’armée de la besogne de la police, ce qui n’est pas son affaire, Saint-Marc a raison. « Mais la police n’a pas l’habitude de tuer les gens qu’elle arrête ». L’historien évoque les réactions du général de Bollardière, de Paul Teitgen, un ami, lui aussi ancien déporté, qui faisait fonction de préfet de police (3) : « il s’est borné à faire des additions, il comptabilisait les gens arrêtés, ensuite ceux arrivés dans les camps et s’apercevait qu’il y avait des manques, alors où ils étaient passés, ces gens-là ? » Sans polémiquer, la différence de comportement entre des gens d’une stature humaine comparable interroge. Saint-Marc est d’abord un guerrier, militaire dans l’âme, qui met en danger sa peau sans hésitation, et il est prisonnier de cette attitude, « il va obéir, il va suivre les instructions de ses chefs, jusqu’au moment où il désobéira dans une équipée tout à fait navrante, puisque condamnée par avance ».
Le réalisateur (15’55) cite la réplique de Zénon, personnage des Mémoires d’Hadrien de Marguerite Yourcenar : « Je ne veux pas mourir sans faire le tour de ma prison ». Quand un homme placé comme Saint-Marc dans une situation fermée prend conscience d’être dans une impasse, le monde entier lui devient une prison. Par ailleurs G. Mourier voit une contradiction dans l’attitude de Edmond Michelet, ministre de la Justice, lui-même ancien déporté, qui était allé visiter Abdelkader Rahmani dans sa prison lors de l’affaire des Officiers algériens (1956-57), et qui lors du procès du putsch d’avril 61 aurait réclamé une peine plus sévère contre Saint-Marc que contre Challe, l’instigateur du complot.
Pour J. Delarue (18’), cela est dû à ce que « sans le 1er REP, il n’y a pas de putsch. Le putsch, c’est le 1er REP », et le régiment a marché en raison du charisme de Saint-Marc. Lui-même l’a dit, les commandants de compagnie n’auraient pas eu le même comportement avec un autre chef de corps.
Le réalisateur (18’34) : « D’après ce que j’ai compris, Saint-Marc avait été rappelé plusieurs fois au sein du 1er REP pour replâtrer une ambiance qui se détériorait. Je l’ai appris après avoir terminé l’interview, il y a même eu un moment où il avait quitté les rangs… » (4) .
J. Delarue : « Il avait obtenu un congé d’un an… »
Le réalisateur : « Il est revenu, et tout le monde s’est demandé pourquoi il revenait, il avait fait le bon choix. Et lui disait, je veux rester auprès de mes collègues, dans la rubrique : je veux faire le tour de ma prison. C’est extrêmement complexe ! »
G. Manceron (19’34) ne met pas en cause la logique d’un film passionnant qui pose beaucoup de questions et fera un commentaire à partir de ce que le film montre. « Le thème de la trahison du fait des officiers et des soldats coloniaux par rapport aux populations que l’on a essayé durant un temps de mettre dans notre camp y est très présent, comme dans les ouvrages et les interviews de Saint-Marc. « Vous l’avez d’ailleurs isolé dans la citation qui intervient en préambule : L’honneur est-il dans l’obéissance absolu au pouvoir légal ou dans le refus d’abandonner des populations qui nous avaient accordé leur confiance et qui allaient être massacrées à cause de nous ? J’ai choisi selon ma conscience et j’ai accepté de perdre, et j’ai tout perdu. L’idée : que deviendront les populations qu’on essaye de mettre dans notre camp, a été évoquée dès les premiers débats sur la colonisation ». La réflexion sur le passé colonial de la France, dernièrement intervenue dans l’espace public (5), renvoie à l’histoire militaire, mais aussi à notre histoire politique. Les débats parlementaires de 1885 (récemment édités par lui) montrent les adversaires de la politique d’expansion coloniale de Jules Ferry (au Tonkin, à Madagascar), parmi eux Clemenceau, qui anticipent l’inéluctable échéance d’une décolonisation future : que ferons-nous alors des populations ? Le drame franco-algérien de 1961-62 amène à s’interroger sur le phénomène de constitution d’empires lointains, le mouvement de conquêtes qui au XIXe et au XXe siècle emportant les états européens et d’autres puissances, était lourd des tragédies futures. « Ce qui m’a intéressé dans l’itinéraire de Saint-Marc, c’est l’idée du “il faut aller jusqu’au bout parce que on ne peut pas trahir ces gens”, mais aller jusqu’au bout est aussi une impasse. Mais là il fait un choix qui est le sien. Un historien n’a pas à juger, il a à analyser, à apporter des éclairages, mais il n’a pas à porter de jugements sur les hommes. Voilà quelles sont mes premières réflexions. »
La discussion entre historiens et réalisateur a gardé le ton mesuré du colloque académique. Une certaine âpreté de J. Delarue tient à sa qualité de témoin actif de la guerre d’Algérie, lui et Saint-Marc appartiennent à la génération de la Résistance. L’ambiance s’électrise avec les interventions venant de l’assistance, ponctuées d’applaudissements.
Un premier intervenant (23’40) précise que Michelet, avant de requérir vingt ans de prison contre Saint-Marc, avait requis la peine de mort contre les généraux Challe et Zeller, finalement condamnés à quinze ans de détention criminelle, dont six ans et demi furent effectués. Il ironise sur la cause en béatification de Michelet introduite dans le diocèse de Tulle. Plus sérieusement : « L’ancien chef de commando de chasse que je fus pendant deux ans a encore des cauchemars où il entend les harkis qu’il commandait lui demander si la route qu’ils ont suivie derrière lui était bien la bonne. Voilà ce que je voulais témoigner » [applaudissements]. (6)
Deuxième intervenant (25’10) : « Nous avons vu un très joli film coupé totalement des réalités. Jamais le mot torture n’a été prononcé [Mourier proteste]…, alors je dois être sourd ! pas plus que le mot d’OAS, c’est quand même étonnant. Le Premier Régiment Etranger Parachutiste, nous ne l’avons pas vu vivre, Monsieur. C’était un régiment extrêmement dur dans lequel il y avait 55% d’étrangers, en majorité des Allemands, et leur chef ne se pose pas la question de savoir quel était leur passé, mais les Allemands eux revendiquaient leur passé. Tel est le cas du soldat de 1° classe Feldmeyer lorsqu’il torture une femme française des Centre sociaux et lui dit qu’il se venge sur elle de la défaite de l’Allemagne. On peut effectivement ne pas tenir compte du passé des gens, mais c’est un petit peu facile. Lancer contre la république un régiment à majorité d’étrangers, moi, ça me pose problème. Ce qui pose problème, c’est que lorsque ce chef est parti, courageusement, affronter la justice de son pays, c’est bien, il a laissé dans la nature un certain nombre de légionnaires qui ont fait quoi ? ils ont tué. Ces chiens de garde remarquablement dressés, avec une fidélité de chien, comme l’a dit leur chef pour les défendre lors du procès de [Albert] Dovcar et [Claude] Piegts (7), le colonel de la Légion a dit au président du tribunal : ces hommes ont une fidélité de chien. Je n’invente rien, c’est leur colonel qui l’a dit [une voix : « Qui êtes-vous ? »]… Pardon ? Je suis Jean-Philippe Aoudia, fils d’un inspecteur des Centre sociaux éducatifs assassiné par l’OAS (8). C’est la raison pour laquelle j’en veux un peu à cet officier tout à fait remarquable d’avoir conduit un régiment à la désertion et d’avoir alimenté l’OAS en tueurs de première main » [trois ou quatre applaudissements].
Nouvel intervenant (27’38) : « Je suis navré d’avoir à rappeler à ce monsieur [J.-P. Aoudia] que l’on pourrait aussi évoquer le cas des barbouzes, employés par l’Etat français. Tout le monde connaît leur travail, un travail humaniste et de cœur ; tout le monde le sait ».
Le quatrième intervenant (28’05) se présente : « [Son nom], je suis pied-noir. Moi, je voudrais tirer un grand coup de chapeau à Hélie de Saint-Marc que j’ai la chance de voir tous les ans parce qu’il habite près de chez mes parents. Et je suis très fier d’être français aujourd’hui, je suis très fier que le 1erREP ait défendu les pieds-noirs en Algérie, je suis très fier de tous ces légionnaires qui se sont battus pour notre pays, et pour tous ces soldats qui sont morts pour la France que ce soit en Indochine ou en Algérie. Monsieur Delarue, j’ai lu votre livre [L’OAS], malheureusement je ne l’ai plus, dans la bibliothèque je préfère avoir d’autres auteurs comme le sont Jean-Pierre Sergent (9), comme le sont Hélie de Saint-Marc, comme le sont Pierre Montagnon (10), comme le sont tous ces gens qui font la gloire de notre pays par leurs écrits et par leurs récits » [applaudissements].
Remarque du modérateur : il s’agit de poser des questions sur une période historique [rires], et non de prendre des positions de type idéologique.
Ancien lieutenant en Indochine, le cinquième intervenant (29’20) s’excuse d’une élocution incertaine pour raisons de santé (ce qui le rend mal audible). Il évoque un souvenir. « On vient d’arrêter un Viet qui a posé une bombe… », le torturer ou pas ? Finalement on le fait parler et la bombe est neutralisée, sinon « il y aurait des milliers de gens qui auraient été tué … Alors vous les jeunes, si vous arrivez dans une chose comme ça, réfléchissez. Il n’est pas question de tuer le type mais on peut donner quelques coups de pied et vous le faites entre vous, si vous êtes pas contents du copain. Il faut surtout pas le tuer… ». Allusion à l’emploi du « téléphone » [générateur électrique du téléphone de campagne, alias la gégène]. Là où il était, à former des supplétifs, il n’avait jamais été confronté à ce problème qu’il a rencontré en visitant un ami du 2° Bureau à Hanoï [applaudissements].
G. Manceron (31’50] estime n’avoir pas à émettre d’opinion, en tant qu’historien, sur l’idée reprise par Saint-Marc dans le film que le recours à la torture puisse permettre à un moment donné de sauver des vies humaines. Sauf à rappeler les conventions signées depuis par la France, qui s’imposent comme loi internationale intégrée à notre droit, y compris dans le code militaire en vigueur. Il fait par contre un commentaire historique, qui met en parallèle le point de vue actuel de Saint-Marc et celui du général Massu au soir de sa vie. Non seulement Massu a dit que l’usage de la torture était moralement condamnable, opinion que partage Saint-Marc, mais il a déclaré que c’était militairement inefficace. La jolie petite histoire de la bombe qui va exploser dans une heure, on a le poseur devant soi, si on le torture ça va permettre de désamorcer la bombe, ne correspond pas à la réalité. Torturer amène à tuer un grand nombre de gens, c’en est souvent l’aboutissement, sans finalement fournir de renseignements fiables, telle a été l’opinion de Massu au soir de sa vie. (11)
J. Delarue (33,12) confirme : au niveau de l’enquête policière l’usage de la torture est improductif, croire le contraire est « une illusion ». En adoptant ces méthodes l’armée française est tombée dans le piège tendu par le FLN. Le terrorisme entraîne un contre-terrorisme, qui finalement va solidariser la population avec les gens du pays que sont les terroristes. Les Allemands ont connu ça en France. Un piège classique, dans lequel il ne faut jamais tomber.
Le réalisateur (35’) rappelle le cas de Gilbert Brustlein, objet de son documentaire Agir ?. En octobre 1941, il abat le Feldkommandant de Nantes, ce qui entraîne de terribles représailles, dont les fusillés de Chateaubriand. Aucun d’eux ne désavoua l’acte de Brustlein. J. Delarue (36’,10) : « Ces exécutions massives provoquent une solidarisation formidable de la population contre l’occupant. Le résultat est que nous avons été considéré comme des occupants par une bonne partie de la population arabe ».
Une sixième intervenante (37’), pour qui la torture est moralement condamnable, se déclare d’accord avec Jacques Delarue. Elle évoque une émission récente sur Arte où un chef FLN disait avoir craint que l’action du général de Bollardière n’en vienne à valoriser la France. Au début de la guerre la population algérienne pas plus que les autres partis nationalistes ne suivaient le FLN qui n’avait que 2000 militants, d’où la technique du terrorisme pour solidariser la population. Elle-même a été en Algérie avant, pendant et après la Bataille d’Alger, et rappelle l’émotion que provoque un attentat dans un café où vous aviez rendez-vous, des corps éventrés, du sang partout, les sirènes, les gens deviennent fous. La tragique question de la guerre d’Algérie, qui n’est pas encore terminée à en juger par les interventions, ne peut être considérée sans prendre en compte toutes les parties. On ne peut isoler la torture du terrorisme, on en parle bien peu, on ne peut l’isoler de ces mutilations rituelles, viols, éventrations qu’on a subi durant quatre années [avant le retour de De Gaulle ?]. On arrive à faire condamner la torture par les conventions internationales mais sur le terrorisme on reste très prudent. Or c’est une arme redoutable dont on voit les effets tous les jours. Prenons encore le problème politique, ce qui va dans le sens de Jacques Delarue. On a demandé à l’armée d’éradiquer le terrorisme sans lui fixer des limites, des méthodes. « Donc, quand vous regardez les archives algériennes, ce que je fais en ce moment, vous voyez : bavures, vous voyez qu’une quantité d’hommes armés, des Français, ont massacré, parce qu’on a tué un de leurs camarades, vingt, trente Arabes, parfois cent, ou ont fait des actes épouvantables. Mais quand de Gaulle a interdit qu’on utilise la torture, je ne suis pas d’accord avec la politique qu’il a menée, je ne le cacherai pas, la torture s’arête. Donc il ne s’agit pas de mettre en cause l’armée, mais les politiques qui la laissent faire », et elle se félicite qu’un politique ait enfin interdit la torture.
J. Delarue (39’50) : « Je crois qu’il y a une clé très simple, c’est quand on dit qu’il faut gagner à tout prix. Non ! il y a des prix qu’il ne faut pas payer ».
Un septième intervenant (40’05) constate le poids, selon le film, de la guerre mondiale dans l’engagement de Saint-Marc en Indochine et en Algérie. Une génération de vaincus des deux camps (Français et Allemands) n’a-t-elle pas « essayé de guérir ses blessures en participant aux conflits postcoloniaux de l’après-guerre » ?
Le réalisateur (40’10) rapporte une anecdote recueillie alors qu’il réalisait un film sur la libération de Paris (24 heures pour Paris, 1998) en relation avec l’Association de la 2° DB. Durant la campagne de France des unités traversent un village, lieu d’atrocités de la part des Allemands ; le lendemain, en arrivant au contact avec l’ennemi, le général Leclerc prend soin que ces unités-là ne soient pas engagées dans l’assaut, par crainte de réactions incontrôlables. Voilà qui prouve une connaissance des hommes, de leur part d’ombre (« le lilas blanc ») par un chef militaire [applaudissements].
« Je suis le colonel [Un tel] », se présente le huitième intervenant (43’30), « ancien du 1er régiment étranger de cavalerie, qui a eu l’honneur de participer au putsch du 22 avril 1961 ». Dressé dans une attitude tribunicienne sur le palier à mi-hauteur de l’amphi, il poursuit : « Pour beaucoup d’officiers de ma génération, le commandant de Saint-Marc est un modèle, nous l’admirons, nous l’aimons. Nous sommes heureux qu’il soit réintégré dans la société française. Mais nous ne sommes pas tous dans ce cas. Le 5 juillet de l’année dernière [2005] devant le cimetière de Marignane, avec cinq à six cent camarades portant le béret vert ou le béret rouge, deux cent CRS nous ont empêchés de déposer une gerbe sur la tombe du meilleur d’entre nous, le lieutenant Roger Degueldre [murmures] (12). Le 6 juillet de cette année [2006], sur l’ordre de M… [le préfet de police ?] nous n’avons pas eu le droit de déposer une gerbe devant l’Arc de Triomphe en souvenir des milliers d’Européens massacrés par les barbaresques. Alors je pose une question, ce n’est pas une déclaration idéologique : quelle est la raison pour laquelle le pouvoir politique ne nous met pas sur le même plan que le commandant de Saint-Marc ? » [une partie de l’assistance applaudit].
G. Manceron (44’40) : « Ce qui me choque dans votre intervention, Monsieur, c’est que vous partez du cas du commandant de Saint-Marc, qui s’est rendu pour comparaître devant la justice de son pays à l’issue du putsch, pour justifier ce qui a été fait par une organisation terroriste. Nous avons parlé du terrorisme FLN, vous avez totalement raison de l’évoquer, mais il y a eu aussi une autre organisation terroriste qui est l’OAS, dont on ne parle pas dans le film – et c’est normal, ce n’était pas le problème – qui a été fondée dans le prolongement du putsch d’avril 61, et sur laquelle il y aurait beaucoup de choses à dire. Ce qui me choque c’est que, comme dans votre intervention, certains s’appuient sur la personnalité du commandant de Saint-Marc, complexe, intéressante par bien des côtés mais qui posent aussi beaucoup de questions par d’autres côtés, pour chanter les louanges de l’OAS. Cela me choque, car en tant qu’historien j’aurais beaucoup de choses à dire sur cette organisation criminelle » [une autre partie de l’assistance applaudit].
J. Delarue (45’50) rappelle que Degueldre a organisé les commandos Delta qui « ont commis des centaines d’assassinats de gens complètement innocents, sur lesquels on a tiré au hasard. On connaît parfaitement les comptes-rendus qui sont faits par ces commandos ; ils expliquent, ils passent boulevard du Télemly, il y a un groupe de guss, on tire dessus, on les descend ; ces gens-là [abattus], on ne sait pas qui ils sont, on ne sait pas ce qu’ils ont fait ». Il ne peut oublier le sort fait à son collègue Roger Gavoury, qui venait d’arriver à Alger comme commissaire central. Deux individus, Dovecar et Piegts, se sont introduits dans son appartement et quand il est rentré le soir l’ont poignardé de multiples coups, il a hurlé, personne n’a bougé dans l’immeuble, sa secrétaire venue le chercher le lendemain matin pour aller au bureau l’a trouvé baignant dans une mare de sang. « Si ce sont là vos héros, Monsieur, je vous plains » [quelques applaudissements].
Neuvième intervenant (47’05) : « J’avoue que j’éprouve quelque hésitation à intervenir parce que une partie au moins de cet aréopage est favorable aux thèses de l’Algérie coloniale et de l’Algérie française. Moi, je suis le fils de…, je suis un orphelin de la guerre d’Algérie, pupille de la nation. Mon père a été décoré à titre civil de la médaille militaire et a reçu, à titre posthume cette fois, la qualité de chevalier de la légion d’honneur qu’un certain nombre d’entre vous probablement arborent à la boutonnière. Je voudrais vous dire très simplement, pour faire transition avec le propos de Mr Delarue, que je suis le fils du commissaire central d’Alger, Roger Gavoury et que j’étais présent le 6 juillet 2005 à Marignane aux côtés de certains, y figurait d’ailleurs Mr Manceron auquel je rends hommage, pour s’opposer à ce qu’hommage soit rendu aux assassins de mon père. Je voudrais poser au réalisateur la question suivante, car tel est l’objet essentiel de mon intervention : quelle a été la contribution dans son film de la Fédération nationale des cercles algérianistes, dont j’ai vu qu’elle était désignée comme personne morale - morale, le terme est un peu fort – parmi celles invitées à témoigner pour enrichir votre film documentaire ».
Le réalisateur (49’) répond qu’il a contacté la Fédération des cercles algérianistes, à Aix-en-Provence, afin de rentrer en contact avec des personnes en possession de films amateurs sur le 13 mai 1958 à Alger, bref d’obtenir des traces iconographiques d’un événement. Il avait été spécifié au préalable qu’il n’accepterait aucun dictat, comme d’ailleurs dans tous les films du Choix des hommes. Il a toujours fait ses films dans un climat de confiance, aucun des intéressés n’a jamais demandé à les visionner avant la première projection publique, Saint-Marc excepté, qui ne pouvait se déplacer pour raisons de santé [applaudissements].
Le dixième intervenant (51’30) relève « deux inepties ». La première, selon laquelle les huit cent hommes du 1er REP auraient suffi pour enclencher le putsch, il y avait quand même d’autres régiments. La deuxième, d’après laquelle l’ensemble du 1er REP aurait déserté à la suite du putsch alors qu’il a été ramené à Sidi Bel-Abbès, comme on le voit dans le film. Certains de ceux « impliqués dans cette affaire, à tort ou à raison on ne le sait pas, c’est à eux de le décider, ont déserté et suivi une voie qui n’est pas celle de l’honneur ». Mais les légionnaires ont suivi la voie de l’honneur, de la fidélité à leurs chefs et sont rentrés à Sidi Bel-Abbès. Enfin, « on a parlé de ces légionnaires comme de chiens, je suis heureux d’être légionnaire et chien fidèle » [applaudissements nourris].
Le onzième intervenant (52’50) constate « le fossé profond entre les personnes qui écrivent l’histoire cinquante ans plus tard et celles qui ont vécu les événements. Je suis pied noir d’Alger et j’étais à Alger en 1957. J’ai donc été là-bas pendant ce que l’on appelle la bataille d’Alger. J’ai moi-même été, non pas victime puisque j’y ai échappé, de quatre attentats commis à Alger fin février, des attentats qui ont fait des morts dans des brasseries d’Alger, je passais sur le trottoir, j’avais déjà échappé à un attentat trois jours auparavant. Quinze jours après c’était mon père qui assistait à un match de foot à Alger et qui a été tué par une bombe FLN. Alors quand on est dans une telle situation, quand on échappe à un attentat, quand on a son père qui a été tué, [s’adressant au neuvième intervenant, fils du commissaire Roger Gavoury] moi aussi mon père a été tué, vous n’êtes pas le seul, je me demande comment on peut réagir. Et c’est assez facile cinquante ans plus tard de réécrire l’histoire et de dire : Ah oui ! la torture c’est mal… Quant à vous, Monsieur [Delarue], vous avez dit tout à l’heure que la torture a amené les gens à se dresser contre nous. J’étais également à Alger en 58, j’ai participé au 13 mai 58, j’étais sur le Forum le 13 mai 58, le 14 mai, le 15, et j’étais sur le Forum également le 17 mai lorsqu’on a vu arriver cette foule de Musulmans. On a dit qu’ils étaient 50 ou 60 000 à peu près. Ils n’ont pas été amené de force par l’armée, et donc la fraternisation qui s’est produite à ce moment-là c’est quelque chose d’exceptionnel, personne n’en revenait, ni les Européens, ni les Musulmans, et tout cela a continué jusqu’au moment où, quelques jours plus tard, De Gaulle est arrivé, et la politique a été changée ; à partir de ce moment-là les Musulmans, qui attendaient quoi, c’était de voir de quel côté ça allait pencher. Voyant que le gouvernement changeait sa politique ils sont retombés dans les bras du FLN, qu’ils avaient quitté en 1958 » [applaudissements].
Modérateur : « Une dernière intervention, parce que nous allons devoir libérer la salle ».
Last but not least, le douzième intervenant (55’) : « Je suis un officier général de l’armée de terre ». Il félicite le réalisateur d’avoir su rester fidèle à l’esprit de Saint-Marc, éviter toute polémique, ce qui n’a malheureusement pas toujours été le cas au cours de la soirée, « et je crois qu’il faut que ceci soit dit » [applaudissements]. Le général apportera deux corrections aux polémiques précédentes, sans lui-même en faire. Attribuer à un esprit de revanche les guerres d’après la deuxième guerre mondiale, cette analyse est sur un plan historique « totalement fausse. Je crois que les guerres que le vingtième siècle a connues et que les jeunes générations n’ont pas connues, sont avant tout le fruit de deux idéologies qu’il nous faut condamner de la même manière, le marxisme et le nazisme. Je crois que ce que nous avons vécu, c’est le fruit de ces deux idéologies qui ont conduit aux résultats que vous évoquez dans le film, et que vous avez si bien évoqués dans d’autres documentaires que vous diffusez. Je crois que c’est ça que nous devons faire retenir aux jeunes générations, que les idéologies conduisent au totalitarisme et conduisent à des dizaines de millions, voire à des centaines de millions de victimes, comme le nazisme et le communisme. Je crois que c’est là-dessus qu’il faut s’arrêter, remonter aux causes et ne pas se contenter de porter des jugements ponctuels assis dans un fauteuil confortable de l’amphi Foch sur telle ou telle attitude » [applaudissements]. Enfin, conclut le général, « j’ai eu l’honneur, la fierté et la félicitée de commander les légionnaires ‘chiens fidèles’. Ce que je vais vous dire s’applique à l’ensemble des armées françaises aujourd’hui : les armées en général et la Légion étrangère en particulier sont justement des endroits où sont pratiqués l’intégration, le respect des convictions, et ceci par accord entre les chefs et les hommes qui sont commandés, et qui adhèrent en général. En ce sens la Légion est un modèle, Monsieur [le deuxième intervenant ?], puisque nous avons actuellement cent dix nationalités de gens qui y vivent, pour 98% très heureux, qui s’en félicitent, et qui pour la plupart, non, disons un grand nombre, ont fait des carrières exemplaires comme Français partout de par le monde. Traiter ces gens-là de chiens fidèles est une falsification de l’histoire. » L’armée française et la Légion étrangère sont un exemple d’intégration, de respect des convictions et de relations humaines entre les chefs et leurs subordonnés, « je crois qu’il faut que cela soit dit également » [applaudissements].
Le modérateur rappelle qu’il faut clore le débat. Le réalisateur (59’10), se voulant en accord avec l’esprit de non polémique qui caractérise Saint-Marc, lit alors un passage des Mémoires. Les champs de braises [p. 217] qui synthétise son attitude présente à propos de la Bataille d’Alger et qu’a évoquée J. Delarue : « J’ai profité de la victoire sans être confronté au choix des interrogatoires puisque, durant toute cette période, j’étais détaché au cabinet du général Massu. C’est pourquoi je me garderai bien de prendre la pose du chevalier blanc. Les bonnes consciences que l’on polit en dénonçant l’infamie des autres me font horreur. J’ai trop connu d’anciens déportés, protégés dans les camps par leur affectation à des postes administratifs de haut niveau, dont, après la guerre, nous avons eu à subir les envolées lyriques sur la dignité inébranlable de l’homme et la résistance à l’humiliation en toutes circonstances ». Suit une citation de Saint-Exupéry par Saint-Marc : « Puisque je suis l’un d’eux, je ne renierai jamais les miens quoi qu’ils fassent. Je ne parlerai jamais contre eux devant autrui. S’il est possible de prendre leur défense, je les défendrai. S’ils sont couverts de honte, j’enfermerai cette honte dans mon cœur et je me tairai. Quoique je pense alors d’eux, je ne servirai jamais de témoin à charge » [applaudissements].
G. Manceron (60’) : « Je me permets de dire un mot, parce que la phrase de Saint-Marc et la citation de Saint-Exupéry que vous venez de lire, je l’avais moi-même copiée et je m’apprêtais à vous la proposer [rires] dans une autre problématique pour vous faire réfléchir sur ce qu’elle implique. La fin de cette citation de Saint-Exupéry dans la bouche de Saint-Marc m’interroge en effet, et il me semble qu’elle doit tous nous interroger. Je rappelle les termes : ‘Puisque je suis l’un d’eux… j’enfermerai cette honte dans mon cœur et je me tairai. Quoique que je pense alors d’eux, je ne servirai jamais de témoin à charge’. A mon avis, cette phrase pose quand même les limites de l’esprit de corps. L’esprit de corps est quelque chose de très beau. C’est une bande de copains, donc ils ont fait quelque chose de honteux, je ne dis rien. L’appartenance à un groupe fait que je ne dirai rien, même si les actes commis par les membres de ce groupe sont quelque chose de honteux. Il me semble que cette question de l’esprit de corps peut être du point de vue moral interrogé, eu égard à nos références morales et à nos lois, par référence à la complicité ; ceci, non seulement du point de vue de l’histoire, puisque ce n’est pas seulement un débat historique qui renvoie à ce qui s’est passé il y a cinquante ans, mais des faits récents - je pense à ce qui a pu être évoqué à propos d’un incident en Côte d’Ivoire (13) - des faits récents donc nous renvoient à l’attitude qu’il convient moralement d’adopter lorsqu’il y a des choses honteuses commises : faut-il le dire ou pas le dire ? Il me semble que le débat a été posé aujourd’hui, c’est un débat moral auquel on ne peut pas échapper » [des applaudissements].
Le sac à poussière d’une décolonisation fantasmée se déverse dans le hall d’accueil bruissant, l’ombre délicate du « lilas blanc » s’épaissit à le croire devenu choux-fleurs. Je prends le large à pas de loup, insoumis durant la guerre d’Algérie la fréquentation de l’armée n’est pas mon fort. Le militaire que je préfère c’est le capitaine Dreyfus, dont l’Ecole Militaire aurait dû abriter la statue en pied, une commande d’état de 1985. L’institution militaire se déroba et à sa suite quelques autres administrations sollicitées parmi lesquelles, un comble ! la Maison des Sciences de l’Homme (MSH) que dirigeait alors l’historien François Furet. Ce bannissement multiple donne à réfléchir. Le grand bronze, Hommage au capitaine Dreyfus, œuvre d’une facture originale due à Louis Mitelberg (alias TIM) se dresse aujourd’hui dans l’espace public ouvert, au carrefour du boulevard Raspail et de la rue Notre-Dame-des-Champs, à deux cents mètres d’un autre réprouvé fameux, le Balzac de Rodin.
Mais comment se désengluer d’une nostalgique réitération postcoloniale ?
On appelle restitution dans le jargon des sciences sociales le fait pour l’enquêteur de présenter à ceux qui en ont été l’objet les résultats d’enquête, et d’accepter le dialogue. L’enquête relève ici d’un genre documentaire particulier, une suite d’entretiens avec un personne âgée choisie pour sa valeur exemplaire, document oral filmé qu’éclaire l’expressivité d’un visage et dont le montage est rythmé par l’insertion de documents d’archives. A la différence de l’oeuvre de fiction l’interview réfère immédiatement à une réalité factuelle d’ordre psychologique, historique, politique, social, le spectateur la jugera à l’aune d’une conformité supposée aux faits. La restitution concerne à l’égal de l’intéressé le milieu dont il est l’expression, en ce cas l’armée. L’accueil du film dans un lieu symbolique de l’institution militaire implique la reconnaissance d’une conformité.
On dispose d’une biographie, Hélie de Saint-Marc (1988, Perrin), préface de Jean-Pierre Azéma, due à un jeune historien, Laurent Beccaria (né en 1963). Rédigée sur la base d’entretiens avec l’intéressé (repris pour partie dans Mémoires. Les champs de braises, 1995, Perrin), d’enquêtes auprès de témoins, de consultations d’archives et bibliographiques, elle procure un aperçu plausible du parcours et des motivations des jeunes officiers de carrière des guerres de décolonisation (14) . La vidéo n’apporte par comparaison rien de nouveau, la réflexion de l’intéressé sur son passé semblant n’avoir guère évolué depuis deux décennies. L’empathie du cinéaste à l’égard de Saint-Marc l’amène à adhérer sans réserve à sa version des faits. Le non-dit sur les pratiques des unités combattantes est respecté, aucune question n’est posée à propos de la conduite en opération du 1er REP de novembre 54 à l’automne 56, ou de la 10e division parachutiste durant le « plan Challe » à partir de l’automne 58 (15). La vivacité d’expression du personnage est parfois gommée. Une formule d’autodérision (le contexte est l’évacuation du Nord Vietnam après les Accords de Genève), qui campe l’officier colonial, le baroudeur meneur d’hommes en ‘salaud sartrien’ dont la devise existentielle aurait été : « Servir et Trahir », n’a pas été retenue au montage (3e disquette des rushs). Le cinéaste a produit une icône.
Le documentaire lors de sa première projection publique a suscité un vrai débat (56 minutes). La controverse oppose d’abord (18 minutes) les deux historiens au réalisateur sur un ton mesuré, le ton monte, on l’a vu, avec l’intervention de l’assistance. Les douze intervenants du public ne constituent pas un échantillon statistiquement recevable mais la représentativité qualitative reste entière, qu’ils soient civils ou militaires. Lors d’une enquête participante imprévue – autre expression du jargon des sciences sociales, signifie être partie prenante dans l’évènement dont il est rendu compte - j’eu la sensation vive d’être projeté un demi-siècle en arrière sous l’impact de la résurgence de la pluralité des mémoires d’une guerre perdue, si intense était la réactivation des affects comme de points de douleur. Il y avait la blessure du meurtre du père, par l’OAS (25’10 et 47’05) ou par le FLN (52’50) ; le traumatisme des attentats ; la pratique de la torture par l’armée ; la fierté d’un corps d’élite qui ne saurait avoir failli, contestée ; le sentiment de culpabilité à l’égard des harkis ; une identité pied-noir perdue revendiquée. Il restait à essayer d’interpréter le recyclage de souffrances enfouies dont portaient témoignage des acteurs survivants ou leurs héritiers. On a retenu parmi les participants deux catégories : les historiens et les officiers, en raison de leur appartenance à des institutions identifiables, l’armée et le monde académique, qui constituent pour chaque catégorie le référent du discours. Le référent fondateur de la légitimité de l’armée dans un régime de démocratie représentative est la défense de l’Etat-nation par des moyens militaires en fonction des décisions du pouvoir politique. Répondre dans la pratique d’une discipline aux critères scientifiques communément admis par les pairs conditionne une appartenance au monde académique.
On oppose ordinairement l’objectivité scientifique de la discipline historique à la subjectivité de mémoires antagonistes partielles et partiales. Les historiens du contemporain ont affaire à une nébuleuse d’événements que réactualisent la persistance de leurs conséquences et le déplacement des enjeux. Etudier la place de la torture dans la procédure judiciaire de la France d’Ancien régime ne produira pas le même type de discours historique que la prise en considération de son usage durant les guerres de décolonisation du milieu du siècle dernier. La généralisation de la torture au nom de la lutte planétaire contre le terrorisme a donné ultérieurement à la Bataille d’Alger la dimension d’un précédent exemplaire, avec le jeu des dénégations par le pouvoir politique de pratiques dont il est en sous-main l’instigateur. Cette re-contextualisation continue des faits par l’actualité qui en modifie la lecture confronte les historiens du contemporain aux affres du jugement moral, originalité qui les pose en héritiers des Lumières. L’impératif catégorique de la loi morale défendu par les historiens s’oppose au fil du débat aux préoccupations mémorielles identitaires des intervenants militaires.
Drôle de corps que la Légion étrangère. Depuis le milieu du XIXe siècle elle attire les enfants perdus de par le monde qui en échange d’une garantie d’anonymat et d’une solde chiche s’engagent pour cinq ans à se plier à une discipline de fer et à risquer leur vie dans les aventures coloniales et exotiques de l’Etat-nation. L’effectif a fluctué, il est de 40000 hommes entre 1946 et 1962, puis a été réduit à 8000 hommes. Elle demeure un corps d’élite héritier d’une tradition séculaire, avec son code d’honneur, des rituels, un uniforme à elle, produit labellisé à la réputation internationale. Les quatre intervenants militaires de carrière sont des officiers légionnaires (les engagés n’accèdent qu’aux grades de sous-officier). On perçoit à travers leur discours les mécanismes de maintenance d’un corps.
L’Indochine et l’Algérie, qui se terminent sur des défaites militaires et/ou politiques sévères, apparaissent rétrospectivement à l’opinion dominante comme des guerres « sales ». Dans les deux cas la Légion aura été le fer de lance de l’armée française. La légitimité de cette dernière comme entité collective n’a pas été entamée par l’accumulation de désastres et de dommages collatéraux : on passe à autre chose (édifier la force de frappe nucléaire, professionnalisation, abandon de la conscription, etc.). La Légion, par contre, ne peut avoir démérité. L’image d’excellence qui conditionne son recrutement est liée à la pérennité d’un légendaire héroïque que, pour lui conserver son efficace, il faut accepter dans sa totalité et garder à l’écart de la « polémique », expression à connotation péjorative. La mémoire du putsch d’avril 61, d’évocation risquée (l’OAS en surgit comme le poussin de la coquille), devient franchement encombrante quand elle est l’objet, par qui argue de sa qualité de légionnaire (43’30), d’une manœuvre de récupération politique d’extrême droite. La parade est d’exalter la fidélité des légionnaires à leurs officiers ; à charge pour ceux-ci d’assurer la médiation entre l’honneur du corps et les idéaux de l’Etat-nation, quitte à en assumer les errements à leurs dépens. De ce point de vue le personnage d’Hélie de Saint-Marc en vient à incarner un idéal-type à la Max Weber.
Quittons l’empyrée des sciences sociales, regagnons la caserne d’ici-bas. Cultiver à visage découvert la nostalgie d’une ostentation coloniale guerrière n’est plus de mise pour l’institution militaire. Le commandement (55’), tout en repoussant la poussière sous le tapis, affiche désormais les préoccupations gestionnaires d’un directeur des ressources humaines, un DRH soucieux de social.
Valentin Pelosse
mai 2007
valib@club-internet.fr
(Ce texte engage la seule responsabilité de l’auteur)
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ANNEXE
Du rôle positif de la colonisation.
Le 10 février 2005 l’Assemblée Nationale votait dans l’indifférence un projet de loi portant "reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés", promulguée (2005-158) le 23 février 2005. En voici les premiers articles :
« Article 1.- La Nation exprime sa reconnaissance aux femmes et aux hommes qui ont participé à l’oeuvre accomplie par la France dans les anciens départements français d’Algérie, au Maroc, en Tunisie et en Indochine ainsi que dans les territoires placés antérieurement sous la souveraineté française.
Elle reconnaît les souffrances éprouvées et les sacrifices endurés par les rapatriés, les anciens membres des formations supplétives et assimilés, les disparus et les victimes civiles et militaires des événements liés au processus d’indépendance de ces anciens départements et territoires et leur rend, ainsi qu’à leurs familles, solennellement hommage.
Article 2.- La Nation associe les rapatriés d’Afrique du Nord, les personnes disparues et les populations civiles victimes de massacres ou d’exactions commis durant la guerre d’Algérie et après le 19 mars 1962 en violation des accords d’Evian, ainsi que les victimes civiles des combats de Tunisie et du Maroc, à l’hommage rendu le 5 décembre aux combattants morts pour la France en Afrique du Nord. Article 3.- Une fondation pour la mémoire de la guerre d’Algérie, des combats du Maroc et de Tunisie est créée, avec le concours de l’Etat.
Les conditions de la création de cette fondation sont fixées par décret en Conseil d’Etat.
Article 4.- Les programmes de recherche universitaire accordent à l’histoire de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord, la place qu’elle mérite.
Les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord, et accordent à l’histoire et aux sacrifices des combattants de l’armée française issus de ces territoires la place éminente à laquelle ils ont droit.
La coopération permettant la mise en relation des sources orales et écrites disponibles en France et à l’étranger est encouragée.
Article 5.- Sont interdites :
toute injure ou diffamation commise envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur qualité vraie ou supposée de harki, d’ancien membre des formations supplétives ou assimilés ;
toute apologie des crimes commis contre les harkis et les membres des formations supplétives après les accords d’Evian.
L’Etat assure le respect de ce principe dans le cadre des lois en vigueur. »
Une des conséquences de la loi était de donner aux harkis, et à leurs descendants, un statut et des droits supplémentaires, en matière d’indemnisation notamment, mais sa formulation était empreinte d’une nostalgie coloniale que le sous-amendement d’un député UMP, introduisant la notion de rôle positif de la colonisation, accentua radicalement (article 4, alinéa 2). Une controverse violente s’ensuivit durant l’année 2005. Les historiens dénoncèrent l’institution d’une histoire officielle. La gauche les soutînt, encore que les socialistes durent s’excuser d’avoir voté la loi ainsi amendée… A l’extérieur, le libellé de l’article 4 scandalisa les gouvernements et l’opinion des ex-colonies, compromettant la signature d’un traité d’amitié avec l’Algérie. La controverse cliva l’UMP (alors présidée par Nicolas Sarkozi). Le gouvernement Villepin provoqua un nouveau débat à l’Assemblée le 29 novembre 2005 ; en vain, malgré les efforts des chiraquiens une partie de l’UMP se déroba et l’article litigieux ne fut pas modifié. Le président Chirac, face au débat suscité par l’article 4 de la loi, demanda que soit constituée « une mission pluraliste pour évaluer l’action du parlement dans le domaine de la mémoire et de l’histoire » (déclaration du 9 décembre 2005), ce qui référait plus largement à la dispute des historiens sur les lois dites mémorielles (shoah, génocide arménien, mémoire de l’esclavage). Le président Chirac et le gouvernement Villepin, la voie parlementaire étant barrée, utilisèrent une procédure réglementaire. Le 2° alinéa de l’article 4 de la loi du 23 février était abrogé le11 février 2006.
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Notes :
(1) Synopsis et fiches techniques de la série, voir georges.mourier@wanadoo.fr
(2) DVD et rushes de la vidéo, enregistrement des débats sont consultables à la [Bibliothèque de Documentation Internationale Contemporaine http://www.bdic.fr/index.php.
(3) Paul Teitgen, secrétaire général de la Préfecture d’Alger, démissionna le 24 mars 1957 pour protester contre la pratique de la torture et des exécutions sommaires par les paras du général Massu. Le général Jacques Pâris de Bollardière (1907-1986), commandant du secteur Est-Atlas Blidéen de la région militaire d’Alger, pour s’être désolidarisé publiquement en mars 1957 des méthodes de Massu, fut condamné à 60 jours de forteresse.
(4) Episode développé dans la biographie de Laurent Beccaria, Hélie de Saint-Marc (Perrin, 1988), p 206-209, « départ pour l’Italie ». G. Mourier n’aurait pas pris connaissance de cette biographie avant l’interview ?
(5) Allusion à la loi du 23 février 2005 sur le rôle positif de la colonisation, voir Annexe.
(6) Le statut de l’intervenant reste incertain : militaire de carrière retraité ou ancien rappelé du contingent ?
(7) Deux légionnaires meurtriers du commissaire central d’Alger, Roger Gavoury, en mai 1961.
(8) Le 15 mars 1962, l’écrivains Mouloud Feraoun et cinq autres inspecteurs des Centres sociaux (créés par Germaine Tillion), Ali Hamoutène, Salah Ould Aoudia, Etienne Basset, Robert Aymar, Max Marchand sont abattus à Ben Aknoun par un commando de l’OAS.
(9) Pierre Sergent (1926-1992), capitaine au 1er REP, un des chefs de l’OAS, gracié en 1968, élu député FN en 1986. Auteur de nombreux ouvrages sur le sujet.
(10) Pierre Montagnon (né en 1931), lieutenant au 1er REP, auteur d’ouvrages sur le thème colonial et militaire.
(11) Voir le dossier « Torture en Algérie » du Monde, 23 novembre 2000.
(12) Roger Degueldre (1925- 5 juillet 1962), lieutenant au 1er REP, un des chefs de l’OAS, fusillé pour haute trahison. Le béret vert distingue les légionnaires des autres paras, béret rouge.
(13) Le 7 octobre 2005, le général Heuri Poncet, ancien responsable de l’opération Licorne en Côte d’Ivoire, était suspendu pour avoir couvert le décès suspect de Firmin Mahé, le 13 mai 2005. Ce supposé « coupeur de routes » arrêté par l’armée française après un échange de coups de feu aurait succombé à ses blessures lors du transfert vers un hôpital. En fait, il avait été étouffé avec un sac plastique. Les militaires impliqués déclarèrent avoir agi sur ordre de leur colonel, qui lui-même affirmait avoir transmis un ordre oral du général Poncet. Ce dernier était au courant du caractère erroné du rapport officiel.
(14) L. Beccaria apparaît le relais du grand-oncle dans la construction du personnage. Directeur des éditions Arènes, il publiera Notre histoire (1922-1945), 2002, interview croisée, menée par Etienne de Montéty, de Saint-Marc et d’August von Kageneck, lieutenant de panzer rescapé du front russe ; devenu journaliste, il avait croisé Saint-Marc à Alger. Ce compost franco-allemand fermente laborieusement, n’est pas Ernst Jünger qui veut.
(15) Noël Favrelière, Le désert à l’aube (Minuit, 1960), récit d’un sergent parachutiste rappelé qui déserte avec un prisonnier promis à une exécution sommaire. L’ouvrage avait été saisi à sa parution.
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