Claudia Moatti & Michèle Riot-Sarcey Le passé, moteur d’action Le passé est quelque chose de mouvant, quelque chose qui nous travaille. Construction de mythes, évocation d’un âge d’or, propagande, désinformation… Quand le passé est convoqué, c’est souvent pour légitimer, figer et déformer des moments d’histoire, à des fins souvent politiques ou idéologiques. Claudia Moatti et Michèle Riot-Sarcey ont mené, avec un collectif d’historiens, un travail de longue haleine pour repenser notre relation au passé, et la façon dont il surgit dans le présent. Car le passé n’est pas figé, il n’est pas fini. Dynamique, inachevé, il subsiste dans la mémoire collective et agit comme moteur d’action. « La dimension politique, l’interrogation sur ce qui fait le mouvement même de l’histoire dans l’événement, constitue le cœur de notre travail.» Chaque chapitre de ce livre analyse un moment historique où le passé est intervenu dans le présent comme « référence » : l’un s’intéresse ainsi au cas des destructions d’églises pendant la Commune, un autre à la Grande Famine en Irlande entre 1845 et 1851, un troisième au coup d’État en Argentine du 6 septembre 1930, un autre encore se penche sur la notion de peuple en Italie au milieu du XIVe siècle, ou sur la notion de martyr dans la Tunisie contemporaine… Cette notion de référence a pour ambition de restituer à la connaissance du passé tout son potentiel critique, afin d’avancer dans l’intelligence de l’histoire, qu’il s’agisse d’y trouver des références nécessaires à l’action ou d’échapper au tragique re-jeu du passé. Claudia Moatti Michèle Riot-Sarcey 368 p. – 25 € DISPONIBLE EN LIBRAIRIE LE 18 JANVIER 2018 Un ouvrage qui s’inscrit dans la lignée du Mythe national de Suzanne Citron en invitant à faire de l’histoire à l’échelle mondiale. Une réflexion d’ampleur sur le rapport entre passé et présent, et sur ce que c’est que de faire de l’histoire. SOMMAIRE Introduction La référence au passé - Claudia Moatti & Michèle Riot-Sarcey Partie I - LES FIGURES DE LA RÉFÉRENCE Entre analogie et anachronisme : la référence au passé dans la Rome antique Claudia Moatti Le jeu du peuple avec le temps en Italie au milieu du XIVe siècle E. Igor Mineo L’invention d’une nouvelle langue dans l’Italie du XVIe siècle : l’appel au passé contre le présent de la guerre Jean-Louis Fournel Freud, une rupture dans la pensée de soi Nicole Edelman « Le chant d’Ulysse », de Si c’est un homme de Primo Levi Gisèle Berkman Partie II - LA RÉFÉRENCE EN RÉVOLUTION « Le saut du tigre dans le passé. » W. Benjamin et la réactualisation du passé antique pendant la Révolution française Caroline Fayolle La référence au passé récent : l’an II comme moteur d’action chez les révolutionnaires démocrates (Thermidor et au-delà) Déborah Cohen Sous la table rase, les passés. Référence au passé et espace révolutionnaire : le cas des destructions d’églises pendant la Commune de Paris (1871) Quentin Deluermoz Le passé présent. 1968 : la référence à l’histoire au cœur de l’événement Ludivine Bantigny Partie III - LA RÉFÉRENCE EN DÉBAT La Grande Famine en Irlande, un siècle après : une référence silencieuse ? Laurent Colantonio Le Paradis – un peu plus loin. Francisco Bilbao, utopiste hispano-américain Annick Lempérière Une référence politiquement située : perspectives d’alliances anticoloniales à partir des Jacobins noirs de C.L.R. James Timothée Nay La fin des citoyens en armes. Le coup d’État du 6 septembre 1930 en Argentine et les références au passé révolutionnaire Marianne González Alemán Le « martyr » : une « variation » tunisienne Kmar Bendana Contrepoint La modernité, entre utopie et idéologie Michèle Riot-Sarcey Les Éditions de l’Atelier |
mardi 30 janvier 2018
Livre "Pourquoi se référer au passé"
lundi 22 janvier 2018
Hommage à Suzanne Citron
Suzanne Citron est née le 15
juillet 1922. Sa vie faite de combats, d’engagements, de réflexions fécondes et
de travaux décapants s’est achevée paisiblement ce lundi 22 janvier 2018 à son
domicile parisien.
Le travail de Suzanne sur
l’histoire de France et son enseignement l’a faite marraine naturelle du
collectif Aggiornamento histoire
géographie qui naquit dans son salon où il fut baptisé du nom de cet
article qu’elle publia dans les Annales en 1968 comme un appel impérieux
à dépoussiérer l’existant[1].
Sa route a croisé quelque temps
auparavant celle du C.V.U.H. Le parcours personnel de Suzanne Citron, née
Grumbach, s’est heurté à la France de Pétain et à l’enfermement au camp de
Drancy dont elle réchappa de peu. La guerre d’Algérie a, par la suite, affuté
ses engagements politiques et citoyens, tout comme son parcours intellectuel,
de bonne élève d'Henri Marrou puis d’enseignante en lycée. Suzanne était
agrégée et considérait ce concours à l’époque où elle le passa comme une source
de « stérilité intellectuelle et d’appauvrissement humain »[2], encore une ligne de
démarcation. Que ce soit avec son
autobiographie éponyme ou son Histoire des hommes, ainsi que son manuel d’histoire
alternatif L’histoire autrement,
elle n’a cessé d’explorer, de
déconstruire et de renouveler la vision de cette discipline, aiguillonnée par
un insatiable appétit de liberté et une indépendance d’esprit qui la firent
s’affranchir du poids des conventions, des normes et des allant de soit.
Avec son maître ouvrage, Le
mythe national, la pensée
de Suzanne et ses combats rejoignent ceux du C.V.U.H. puisque c’est notamment
aux instrumentalisations politiques et publiques - donc scolaires et
médiatiques, par exemple - qu’elle s’attaque dans ce livre qui met à mal le
fameux roman national. En déconstruisant le mythe d’une France toujours déjà là, en dénonçant les effets sclérosants
et déformants d’un récit historique linéaire par trop figé, terreau fertile aux
discours nationalistes et patriotiques incompatibles avec une France devenue
plurielle, par ailleurs sommée de se mettre à l’heure du monde, elle rejoint les indignations et
les propositions du Comité de Vigilance face aux Usages publics de l’Histoire.
Celle qui gardait un souvenir au
parfum d’enfance de sa visite de l’exposition coloniale de 1931, et d’autres,
plus révoltants, des sociétés et guerres coloniales françaises ne pouvait
rester indifférente aux amendements de la loi du 23 février 2005 prescrivant un
enseignement des aspects positifs de la colonisation. Se taire face aux
manipulations grossières de l’histoire par N. Sarkozy et de ses plumitifs - H. Guaino
ou M. Gallo - sur la résistance ou l’entrée de l’Afrique dans l’histoire ne lui
était pas davantage possible. La création du ministère de l’identité nationale,
autre volet de cette politique, fut l’occasion pour elle de s’opposer avec le C.V.U.H.,
aux consensus convenus, assis sur des positions académiques et éditoriales
dominantes, qui permettaient de faire des travaux d’un Pierre Nora l’alpha et
l’oméga d’une histoire réduite à des finalités identitaires.
Libre, indomptable, indignée mais
savante et insatiable d’en savoir toujours plus, Suzanne Citron ne s’est jamais
contentée de l’existant, et d’une histoire condamnée à contempler son pâle reflet
dans le miroir du passé. La pertinence de ses travaux a donné au Mythe
national une nouvelle
actualité au moment de la campagne présidentielle de 2017, droite et gauche
recyclant à l’envie les uns le roman, les autres le récit national, se complaisant dans un discours qu’elle
jugeait anachronique et paresseux - ce qui ne cessait de l’inquiéter. Elle
lisait ces temps derniers Les illusions perdues de Balzac, après avoir passé l’été avec Mme de Staël et la rentrée
scolaire avec le dernier volume de Jean-Pierre Demoule.
De sa voix si singulière, une peu
éraillée et grave qui prenait soin de détacher chaque mot tandis que ses mains
battaient l’air pour appuyer son argumentaire, elle exprimait encore et
toujours sa colère face à la politique de G. Collomb et ses interrogations pour
la jeunesse d’aujourd’hui et de demain.
« J’ai toujours vécu avec le
sentiment, d’abord fugitif et vague, que la vie quotidienne s’inscrivait dans
quelque chose de plus vaste, et que le présent était indissociable du
passé ». Ainsi débute son autobiographie, Mes lignes de démarcation. Elle nous a appris à en franchir
tant et tant. Que cela reste son héritage à perpétuer dans le futur.
Véronique Servat
Quelques ouvrages de Suzanne Citron à consulter en ligne :
Son livre L'histoire des hommes
Son introduction à La Fabrique scolaire de l'histoire
[1] Citron
Suzanne, « Dans l'enseignement secondaire : pour l’aggiornamento de
l'histoire-géographie », Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, 23ᵉ année, n°
1, 1968, p. 136-143.
samedi 6 janvier 2018
Atelier Terreur/terrorisme le 11 janvier 2018
JEUDI 11 JANVIER 2018 à 18H30
TERREUR, TERRORISME
Séance
animée par Nelcya Delanoë, spécialiste de l’Histoire des Etats-Unis, et
Anne Jollet, spécialiste de la Révolution française
Nelcya Delanoë, Sens et enjeux de «The War on Terrorism» des discours de George W. Bush à la suite du 11 septembre.
Anne Jollet, Les enjeux des mots des mots « Terreur » et « terrorisme » entre révolution et contre-révolution
Nous vous attendons nombreuses et nombreux pour en débattre.
Au
théâtre de Ménilmontant, salle SAVIO, 15, rue du Retrait. La rue est parallèle à la Rue Orfila, elle donne dans la Rue des
Pyrénées, M° Gambetta.
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