Le Manifeste du CVUH

mardi 30 janvier 2018

Livre "Pourquoi se référer au passé"

Claudia Moatti & Michèle Riot-Sarcey
Le passé, moteur d’action

Le passé est quelque chose de mouvant, quelque chose qui nous travaille. Construction de mythes, évocation d’un âge d’or, propagande, désinformation… Quand le passé est convoqué, c’est souvent pour légitimer, figer et déformer des moments d’histoire, à des fins souvent politiques ou idéologiques.

Claudia Moatti et Michèle Riot-Sarcey ont mené, avec un collectif d’historiens, un travail de longue haleine pour repenser notre relation au passé, et la façon dont il surgit dans le présent. Car le passé n’est pas figé, il n’est pas fini. Dynamique, inachevé, il subsiste dans la mémoire collective et agit comme moteur d’action.

« La dimension politique, l’interrogation sur ce qui fait le mouvement même de l’histoire dans l’événement, constitue le cœur de notre travail.»

Chaque chapitre de ce livre analyse un moment historique où le passé est intervenu dans le présent comme « référence » : l’un s’intéresse ainsi au cas des destructions d’églises pendant la Commune, un autre à la Grande Famine en Irlande entre 1845 et 1851, un troisième au coup d’État en Argentine du 6 septembre 1930, un autre encore se penche sur la notion de peuple en Italie au milieu du XIVe siècle, ou sur la notion de martyr dans la Tunisie contemporaine… Cette notion de référence a pour ambition de restituer à la connaissance du passé tout son potentiel critique, afin d’avancer dans l’intelligence de l’histoire, qu’il s’agisse d’y trouver des références nécessaires à l’action ou d’échapper au tragique re-jeu du passé.

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Claudia Moatti

Michèle Riot-Sarcey

368 p. – 25 €

DISPONIBLE EN LIBRAIRIE LE 18 JANVIER 2018

Un ouvrage qui s’inscrit dans la lignée du Mythe national de Suzanne Citron en invitant à faire de l’histoire à l’échelle mondiale. Une réflexion d’ampleur sur le rapport entre passé et présent, et sur ce que c’est que de faire de l’histoire.





SOMMAIRE

Introduction

La référence au passé - Claudia Moatti & Michèle Riot-Sarcey

Partie I - LES FIGURES DE LA RÉFÉRENCE

Entre analogie et anachronisme : la référence au passé dans la Rome antique

Claudia Moatti

Le jeu du peuple avec le temps en Italie au milieu du XIVe siècle

E. Igor Mineo

L’invention d’une nouvelle langue dans l’Italie du XVIe siècle : l’appel au passé contre le présent de la guerre

Jean-Louis Fournel

Freud, une rupture dans la pensée de soi

Nicole Edelman        

« Le chant d’Ulysse », de Si c’est un homme de Primo Levi

Gisèle Berkman

Partie II - LA RÉFÉRENCE EN RÉVOLUTION

« Le saut du tigre dans le passé. » W. Benjamin et la réactualisation du passé antique pendant la Révolution française

Caroline Fayolle

La référence au passé récent : l’an II comme moteur d’action chez les révolutionnaires démocrates (Thermidor et au-delà)

Déborah Cohen

Sous la table rase, les passés. Référence au passé et espace révolutionnaire : le cas des destructions d’églises pendant la Commune de Paris (1871)

Quentin Deluermoz

Le passé présent. 1968 : la référence à l’histoire au cœur de l’événement

Ludivine Bantigny

Partie III - LA RÉFÉRENCE EN DÉBAT

La Grande Famine en Irlande, un siècle après : une référence silencieuse ?

Laurent Colantonio

Le Paradis – un peu plus loin. Francisco Bilbao, utopiste hispano-américain

Annick Lempérière

Une référence politiquement située : perspectives d’alliances anticoloniales à partir des Jacobins noirs de C.L.R. James

Timothée Nay

La fin des citoyens en armes. Le coup d’État du 6 septembre 1930 en Argentine et les références au passé révolutionnaire

Marianne González Alemán

Le « martyr » : une « variation » tunisienne

Kmar Bendana



Contrepoint
La modernité, entre utopie et idéologie
Michèle Riot-Sarcey




Les Éditions de l’Atelier

lundi 22 janvier 2018

Hommage à Suzanne Citron

Suzanne Citron est née le 15 juillet 1922. Sa vie faite de combats, d’engagements, de réflexions fécondes et de travaux décapants s’est achevée paisiblement ce lundi 22 janvier 2018 à son domicile parisien. 

Le travail de Suzanne sur l’histoire de France et son enseignement l’a faite marraine naturelle du collectif Aggiornamento histoire géographie qui naquit dans son salon où il fut baptisé du nom de cet article qu’elle publia dans les Annales en 1968 comme un appel impérieux à dépoussiérer l’existant[1].

Sa route a croisé quelque temps auparavant celle du C.V.U.H. Le parcours personnel de Suzanne Citron, née Grumbach, s’est heurté à la France de Pétain et à l’enfermement au camp de Drancy dont elle réchappa de peu. La guerre d’Algérie a, par la suite, affuté ses engagements politiques et citoyens, tout comme son parcours intellectuel, de bonne élève d'Henri Marrou puis d’enseignante en lycée. Suzanne était agrégée et considérait ce concours à l’époque où elle le passa comme une source de « stérilité intellectuelle et d’appauvrissement humain »[2], encore une ligne de démarcation. Que ce soit avec son autobiographie éponyme ou son Histoire des hommes, ainsi que son manuel d’histoire alternatif L’histoire autrement,  elle n’a cessé d’explorer, de déconstruire et de renouveler la vision de cette discipline, aiguillonnée par un insatiable appétit de liberté et une indépendance d’esprit qui la firent s’affranchir du poids des conventions, des normes et des allant de soit.

Avec son maître ouvrage, Le mythe national, la pensée de Suzanne et ses combats rejoignent ceux du C.V.U.H. puisque c’est notamment aux instrumentalisations politiques et publiques - donc scolaires et médiatiques, par exemple - qu’elle s’attaque dans ce livre qui met à mal le fameux roman national. En déconstruisant le mythe d’une France toujours déjà là, en dénonçant les effets sclérosants et déformants d’un récit historique linéaire par trop figé, terreau fertile aux discours nationalistes et patriotiques incompatibles avec une France devenue plurielle, par ailleurs sommée de se mettre à l’heure du monde, elle rejoint les indignations et les propositions du Comité de Vigilance face aux Usages publics de l’Histoire.

Celle qui gardait un souvenir au parfum d’enfance de sa visite de l’exposition coloniale de 1931, et d’autres, plus révoltants, des sociétés et guerres coloniales françaises ne pouvait rester indifférente aux amendements de la loi du 23 février 2005 prescrivant un enseignement des aspects positifs de la colonisation. Se taire face aux manipulations grossières de l’histoire par N. Sarkozy et de ses plumitifs - H. Guaino ou M. Gallo - sur la résistance ou l’entrée de l’Afrique dans l’histoire ne lui était pas davantage possible. La création du ministère de l’identité nationale, autre volet de cette politique, fut l’occasion pour elle de s’opposer avec le C.V.U.H., aux consensus convenus, assis sur des positions académiques et éditoriales dominantes, qui permettaient de faire des travaux d’un Pierre Nora l’alpha et l’oméga d’une histoire réduite à des finalités identitaires.

Libre, indomptable, indignée mais savante et insatiable d’en savoir toujours plus, Suzanne Citron ne s’est jamais contentée de l’existant, et d’une histoire condamnée à contempler son pâle reflet dans le miroir du passé. La pertinence de ses travaux a donné au Mythe national une nouvelle actualité au moment de la campagne présidentielle de 2017, droite et gauche recyclant à l’envie les uns le roman, les autres le récit national,  se complaisant dans un discours qu’elle jugeait anachronique et paresseux - ce qui ne cessait de l’inquiéter. Elle lisait ces temps derniers Les illusions perdues de Balzac, après avoir passé l’été avec Mme de Staël et la rentrée scolaire avec le dernier volume de Jean-Pierre Demoule.

De sa voix si singulière, une peu éraillée et grave qui prenait soin de détacher chaque mot tandis que ses mains battaient l’air pour appuyer son argumentaire, elle exprimait encore et toujours sa colère face à la politique de G. Collomb et ses interrogations pour la jeunesse d’aujourd’hui et de demain.

« J’ai toujours vécu avec le sentiment, d’abord fugitif et vague, que la vie quotidienne s’inscrivait dans quelque chose de plus vaste, et que le présent était indissociable du passé ». Ainsi débute son autobiographie, Mes lignes de démarcation. Elle nous a appris à en franchir tant et tant. Que cela reste son héritage à perpétuer dans le futur.

Véronique Servat

Quelques ouvrages de Suzanne Citron à consulter en ligne :


 
Son introduction à La Fabrique scolaire de l'histoire 



[1] Citron Suzanne, « Dans l'enseignement secondaire : pour l’aggiornamento de l'histoire-géographie », Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, 23ᵉ année, n° 1, 1968, p. 136-143.
[2] Citron Suzanne, Mes lignes de démarcation, Paris, Syllepse, 2013, 373 p., p. 206.

samedi 6 janvier 2018

Atelier Terreur/terrorisme le 11 janvier 2018


JEUDI 11 JANVIER 2018 à 18H30

TERREUR, TERRORISME

Séance animée par Nelcya Delanoë, spécialiste de l’Histoire des Etats-Unis, et Anne Jollet, spécialiste de la Révolution française
Nelcya Delanoë, Sens et enjeux de «The War on Terrorism» des discours de George W. Bush à la suite du 11 septembre.

Anne Jollet, Les enjeux des mots des mots « Terreur » et « terrorisme » entre révolution et contre-révolution

Nous vous attendons nombreuses et nombreux pour en débattre.

 Au théâtre de Ménilmontant, salle SAVIO, 15, rue du Retrait. La rue  est parallèle à  la Rue Orfila, elle donne dans la Rue des Pyrénées, M° Gambetta.