mardi 11 décembre 2007

Livre Enseigner l’histoire des traites négrières et de l’esclavage de Eric Mesnard et Aude Désiré


Conformément aux programmes scolaires, les professeurs de cycle 3 trouveront, dans cet ouvrage, la réflexion historique nécessaire ainsi que des propositions pédagogiques utiles pour enseigner les traites négrières et l’esclavage.

Ouvrage publié par le CRDP de l’académie de Créteil dans la collection « Repères pour agir Premier degré », 19 euros.

Éric Mesnard, historien et professeur en IUFM, propose un parcours mettant en évidence ce que furent les traites négrières, la situation des esclaves dans les colonies françaises, les résistances à l’esclavage et ses abolitions successives. Chacun de ces développements est accompagné d’une partie pédagogique sous la forme d’un dossier documentaire immédiatement exploitable. Plusieurs documents, iconographiques notamment, seront fort appréciés.

Aude Désiré, professeure-documentaliste, offre une sélection de livres de textes accessibles à des lecteurs de cycle 3. Chaque œuvre est présentée et accompagnée de pistes pédagogiques. Le propos est de soutenir ainsi la formation de jeunes lecteurs et de contribuer à leur culture.

Voilà un ouvrage qui répond à un besoin actuel et donne aux traites négrières et à l’esclavage la place qu’ils méritent.

Pour en savoir plus > > > www.crdp.ac-creteil.fr

Journée d’études Colonisations, migrations, racismes. Autour des recherches de Claude Liauzu 7 février 2008 - Paris Tolbiac


Pour rendre hommage à notre collègue Claude Liauzu, nous avons choisi d’organiser une lecture à plusieurs voix de son oeuvre d’historien afin de mettre en valeur ce qu’il apporte à la connaissance. Ce n’est pas le contenu empirique de ses ouvrages (livres, articles, conférences) qui retient notre attention mais les pistes de recherche qu’il a indiquées, les interprétations qu’il a proposées sur l’évolution de notre monde contemporain, ainsi que les exigences du métier d’historien.
En fonction de ces repères et de ces fils directeurs, nous organisons cette rencontre d’historiens autour de quatre thèmes principaux qui nous paraissent cristalliser les recherches et l’oeuvre de Claude Liauzu en même temps qu’ils s’articulent les uns avec les autres de façon cohérente : une vision du Maghreb et de l’Islam, une approche du Tiers Monde et du développement, les migrations et le débat sur la colonisation, l’expérience d’un séminaire.

Matinée
8 h 45 Arrivée des intervenants et des participants

9 h00 Introduction de la journée par Daniel Hémery (université Paris 7) : « Claude Liauzu, un fellagha à l’ Université ... »
9 h15 D’une certaine vision du Maghreb et de l’Islam…
Présidence : Jean-Pierre Vallat (université Paris 7)
François Georgeon (EHESS) : « Claude Liauzu, la Tunisie et le monde musulman : un témoignage ».
René Galissot (université Paris 8) : « Le statut des musulmans en Afrique du Nord à l’époque coloniale ».
Lecture d’un texte de Gilbert Meynier (université de Nancy) : « L’ Algérie, la nation et l’islam : le FLN, 1954-1962 ».
Mohammed Harbi (Historien de l’ Algérie) : Thème à préciser. Benjamin Stora (INALCO) : « Générations de chercheurs sur le Maghreb, 1960-1990 ».
10h30 Débat
11h00 Pause
11h15 A une approche du Tiers Monde et du développement
Présidence : Françoise Raison (université Paris 7)
Jean Piel (université Paris 7) : « Mes raisons d’ avoir été solidaire de la plupart des initiatives de Claude Liauzu à Paris 7 ».
Omar Carlier (université Paris 7) : « Claude Liauzu et le moment Tiers Monde, entre le sujet et l’objet ».
Gérard Fay (université Paris 7) : « Pour un develop’mentisme actualisé, global, critique ».
12h00 Débat
12h30 Déjeuner

Après-midi
14h00 A la thématique des migrations et au débat sur la colonisation

Présidence : Michelle Perrot (université Paris 7)
Gérard Noiriel (EHESS) : « Migrations : convergences et divergences avec Claude Liauzu ».
Pierre Brocheux (université Paris 7) : « Pourquoi un dictionnaire de la colonisation ? ».
Daniel Hémery (université Paris 7) : « Un regard sur l’anticolonialisme en France ».
Henri Moniot (université Paris 7) : « L’ enseignement de l’histoire coloniale apprécié par Claude Liauzu : devoir d’histoire et conscience des mémoires en jeu ».
15h00 Débat
15h30 Pause
15h45 Claude Liauzu, l’université buissonnière
Présidence : André Gueslin (université Paris 7)
Florence Gauthier, Americo Nunes Da Silva, Magali Jacquemin, Nadia Vargaftig, Anne Vollery, Aïda Kekli et les autres (université Paris 7) :
« Racisme et antiracisme : un séminaire hérétique ».
« Claude Liauzu à l’épreuve des étudiants, en images ».
« Claude Liauzu et la loi du 23 février 2005, avec les Tréteaux de la colère ».
Et pour terminer : une surprise !
16 h45 Débat
17 h15 Conclusion de la journée par Françoise Raison
18h00 Cocktail


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Comité Scientifique : Pierre Brocheux, Anne-Emmanuelle Demartini, André Gueslin, Daniel Hémery, Françoise Raison
Responsable de la journée : Anne-Emmanuelle Demartini
(pour le département d’histoire de l’ université Paris 7)
Tél : 01 44 79 01 35
mèl : demartini@univ-paris-diderot.fr
Contact : Benjamin Jung, ben86jung@hotmail.com
Lieu : Université Paris 7, Salle des Thèses – Immeuble Montréal 2ème étage – Dalle des Olympiades, 103 rue de Tolbiac / 59 rue Nationale 75013 PARIS
Metro : Olympiades (Ligne 14), Tolbiac (Ligne 7 ), Nationale (Ligne 6)
Bus 62 ou 83

lundi 10 décembre 2007

Mémoires et histoire à l’Ecole de la République : quels enjeux ? par Sébastien Schick


Les lois mémorielles et notamment la loi Mekachera du 23 février 2005 (qui a entraîné la création du CVUH) ont prouvé que l’Ecole et les programmes scolaires d’histoire sont un des lieux où se cristallisent les tensions entre les mémoires et l’histoire. En effet, si les rapports et les oppositions entre mémoires et histoire font l’objet de nombreuses réflexions depuis une quinzaine d’années environ, la levée de bouclier contre la loi Mekachera dans le monde enseignant a fait prendre conscience que la classe était sans doute un lieu où ce sujet prenait toute sa gravité. Les enjeux qui naissent de la mise en relation entre l’histoire et les mémoires dans le lieu spécifique de la salle de classe fait aujourd’hui l’objet d’un livre, Mémoires et histoire à l’Ecole de la République. Quels enjeux ?, que nous devons à Corinne Bonafoux, Laurence de Cock-Pierrepont et Benoît Falaize. L’objet de cet ouvrage, son propos, les questions qu’il soulève et les craintes qu’il exprime parfois, font écho à une problématique et à une posture chères au CVUH (on peut signaler la journée d’étude du CVUH du 6 octobre 2007, La fabrique scolaire de l’Histoire, dont certaines interventions, en ligne sur le site, sont à rapprocher très directement de ce livre : l’histoire et les positions du CUVH y sont d’ailleurs longuement présentées p 24–30). En effet, Ce livre fait le point sur les évolutions des rapports entre ces mémoires et l’histoire à l’école depuis le 19ème siècle et permet d’en saisir les enjeux les plus récents dans le contexte d’une redéfinition des liens entre mémoires et histoire dans l’ensemble de la société française : comment l’institution scolaire doit-elle se situer face aux lois et aux revendications mémorielles qui se multiplient ? Les programmes ont-il à prendre en compte (et jusqu’à quel point) les mémoires multiples ? Ce livre répond dès lors aussi, sans aucun doute, à une demande de la part de nombreux enseignants confrontés, lorsqu’ils ont à traiter de questions sensibles, « chaudes » politiquement, aux conséquences concrètes de ces tensions : « Comment faire ? Comment aborder des sujets parfois très sensibles et si vifs dans les mémoires familiales des élèves comme des enseignants, sans blesser, sans heurter, mais en disant tout de même l’histoire ? » (p 6).
Les premiers chapitres, à la fois historiographiques et théoriques, permettent de saisir cette problématique dans toute sa complexité. Le 1er s’intéresse aux liens qui unissent histoire et mémoires. Pas toujours conflictuels, les rapports entre mémoire et histoire sont pourtant compliqués dès lors que leur rapport au temps diffère : la mémoire, individuelle ou collective, se construit en rapport direct avec les problématiques du présent, tandis que l’histoire, qui cherche à comprendre et non à juger, tente de saisir dans sa globalité le fonctionnement d’une société à un moment donné du passé. Or les tensions entre mémoires et histoire sont devenues plus vives au cours des dernières années, alors qu’est apparue l’idée d’un « devoir de mémoire », que les mémoires sont devenues concurrentielles et qu’elles font l’objet de lois : l’histoire risque alors d’être instrumentalisée, et certains collectifs d’historiens tentent de préserver ce qu’ils considèrent comme une dérive. Le 2ème chapitre permet d’intégrer cette tension dans le cadre de l’école, en rappelant ce qu’a été depuis la 3ème République, la fonction assignée à l’enseignement de l’Histoire. Si les questions de mémoire y ont toujours été prises en compte et que le projet Républicain n’était pas de séparer histoire et mémoires, le rôle de l’enseignement change : le patriotisme et l’écriture du roman national, dont la connaissance est partagée par chacun, sont remis en cause après la Seconde Guerre mondiale et aboutissent à une « crise de l’histoire enseignée » (p 51) Au cours des années 80 et 90 (chapitre 3) apparaissent les revendications d’un « droit à la différence » face à l’histoire unificatrice enseignée. L’enseignement de l’histoire est obligé de se transformer face à la reconnaissance politique de l’existence d’élèves culturellement différents, et qu’il faut donc prendre en compte différemment dans l’enseignement de l’histoire. Il doit donc se transformer mais il devient alors, par une adaptation de sa fonction, l’un des outils privilégiés de l’intégration de ces différentes cultures dans le creuset Républicain. L’apparition de la notion de patrimoine permet de sortir de la crise et de redéfinir la fonction de l’enseignement de l’histoire face aux transformations des années 1980 : « la résolution de la crise d’identité nationale trouve son accomplissement dans ce couple patrimoine/mémoire. Le premier permet le retour de l’homogénéité symbolique et donc du ciment national ; la seconde rendra possible la dissolution des exclus ou victimes de l’histoire dans le modèle national par le biais de la cicatrisation de ses blessures. » (p 66).
Ces trois premiers chapitres permettent donc de remettre en perspective la façon dont les liens entre histoire et mémoires se sont transformés et comment ces changements ont été pris en compte par l’enseignement de l’histoire dont le rôle s’est ajusté au contexte social et politique. Les prescriptions dont fait l’objet la manière d’enseigner les questions sensibles à l’école (immigration, esclavage, génocide) depuis quelques années peuvent dès lors être présentées dans un quatrième chapitre : l’enjeu que représentent les lois mémorielles et les débats suscités par le traitement des sujets sensibles en classe sont ainsi éclairés d’une lumière nouvelle parce qu’ils apparaissent comme une nouvelle étape d’un processus séculaire. La typologie proposée permet de comprendre pour chacune des questions sensibles ses enjeux propres et de saisir le but et parfois le danger de chacune des lois qui la concerne. Le chapitre 5 permet ensuite d’entrer dans la classe en s’intéressant non plus aux lois, aux prescriptions, aux textes, mais à la pratique de chacun des enseignants, et aux problèmes qui se posent à eux dans le traitement concret des questions sensibles face à des élèves aux mémoires familiales différentes, parfois conflictuelles. L’étude réalisée de 2000 à 2003 dans l’Académie de Versailles sert de base à ce chapitre et permet de comprendre les difficultés qui apparaissent dans le quotidien d’une classe : différence entre l’attente de certains élèves et la façon de traiter un sujet par le professeur, place de l’émotion dans le cours, réaction face à certaines questions surprenantes voire choquantes. Le chapitre 6, enfin, replace ces enjeux dans le contexte européen, et prend des exemples comme la Shoah ou l’histoire du communisme pour montrer que les tensions entre mémoire et histoire sont présentes ailleurs, bien que sous des formes souvent particulières.
Au-delà du bilan, et de la présentation dynamique des problèmes liés aux tensions mémoires/histoire à l’école, le dernier chapitre propose des solutions ou des pistes de travail pour répondre aux problèmes théoriques et pratiques posés. Tout d’abord, les auteurs proposent de repenser la fonction identitaire de l’enseignement de l’histoire : il ne s’agirait plus, dans le contexte actuel, d’intégrer chacun des élèves en ajoutant aux programmes de façon souvent artificielle les pays d’origine des élèves et les souffrances de populations dont ils sont les descendants, mais de proposer une approche qui « procède d’une incessante mise en relation, montrant par-là que la dynamique combinatoire, la nourriture réciproque, et le bricolage des identités est le propre de l’inscription des femmes et des hommes dans l’histoire. » (p 139). Concrètement, les auteurs proposent également certaines approches pédagogiques spécifiques pour aborder les questions sensibles : le recours au témoignage vivant, le débat (qu’il faut comprendre de façon très large comme le moyen de démontrer toute la complexité du fait historique, en intégrant le doute et la controverse qui est à la base du travail scientifique de l’histoire), ou l’enseignement de l’enjeu de mémoire comme objet d’histoire lui-même. Des pistes et des propositions de réforme sont donc proposées à chacun des acteurs qui a un rôle à jouer dans le processus qui mène à l’enseignement de l’histoire, de l’élaboration des programmes à sa mise en oeuvre concrète dans les salles de classe. Le but étant de répondre aux questions qui sont apparues ces dernières années par une « juste pédagogie de l’histoire, qui puisse construire une histoire critique sans mésestimer la force sociale de la mémoire en jeu, qui puisse être fidèle au passé sans renier sur la vérité et être fidèle à la vérité académique, sans rien retirer de la dignité des personnes inscrites dans l’histoire. Et autour desquelles s’organisent des lieux et des discours de mémoires, somme toute, bien légitimes. » (p 151)

Ce livre résume donc les enjeux principaux liés aux tensions entre histoire et mémoires à l’école : il explique ces tensions, les replace dans le temps, montre leur spécificité par rapport aux programmes scolaires et à l’enseignement de l’histoire, les analyses face aux toutes dernières lois et aux derniers débats qui ont cours dans la société actuelle. Il fait le point sur cette problématique que les dernières années ont rendu brûlante. La variété des points de vue et des sources utilisées (travaux philosophiques, historiographiques, historiques, articles des revues pédagogiques, programmes scolaires, manuels, textes de loi, rapports politiques, circulaires, enquêtes sociologiques...) ainsi que la grande actualité des références (les nouveaux programmes de l’année 2007 sont pris en compte et certains articles ne datent que de quelques mois) lui donnent d’autant plus de valeur. Parce qu’il clarifie les enjeux et propose des solutions pédagogiques concrètes, il peut être également une aide précieuse pour les enseignants directement confrontés à ces problèmes dans leur travail quotidien. Enfin, cet ouvrage intéressera aussi tous ceux qui s’interrogent sur la place qu’occupe (ou que devrait occuper) l’histoire, à la fois comme discipline et comme objet d’enseignement, dans la société française d’aujourd’hui.


Corinne Bonafoux, Laurence de Cock-Pierrepont, Benoît Falaize, Mémoires et histoire à l’école de la République. Quels enjeux ?, novembre 2007, Armant Colin, 158 pages.