Lancée en septembre 2016, la revue Mémoires
en jeu / Memories at Stake en est aujourd’hui à son 8e numéro. Elle doit son double
titre au fait que non seulement tous les articles comportent un résumé en
anglais, mais qu’elle publie des articles jugés essentiels parus dans cette
langue. (Des ouvrages en langue étrangère font également l’objet de comptes rendus.)
Comme son nom l’indique, la revue est dédiée à la mémoire dont l’émergence dans
l’espace public et dans le champ académique s’est imposée au cours des
dernières décennies. Sont abordés bien entendu ses rapports avec le récit
historique et historien, mais aussi la façon dont elle se reflète dans la
créativité artistique (littérature, cinéma, production artistique plastique,
muséographie etc.).
Mémoires en jeu se dit « Revue critique interdisciplinaire et multiculturelle sur
les enjeux de mémoire » et ceci n’a rien d’une formule convenue. Dans la
rubrique « Actualités » du numéro 8, on trouvera la critique qui ne
mâche pas ses mots du livre Les
Amnésiques de la journaliste Géraldine Schwarz sur lequel Carola
Haehnel-Mesnard se serait sans doute bien dispensée d’écrire si cette fausse confrontation
avec le papy nazi n’avait fait l’objet de tant d’éloges de la presse et même
reçu en 2018 le Prix du livre européen. Le jury se serait-il contenté de la
belle couverture rétro ? Il faut dire que la mode est aux récits
« perso », même parmi les nôtres. (Parfois ça marche.) Mais on
trouvera surtout un entretien de Meïr Waintreter avec Philippe Mesnard
(directeur de la revue) sur « Antisémitisme, antisionisme et/ou
mémoires », qui remet les idées en place, une discussion autour du concept
de « mémoire multidirectionnelle » de Michael Rothberg dont le site de la revue permet l’écoute de l’interview intégrale (en anglais), une mise au point sur le
génocide au Cambodge, un dossier
proposant une encyclopédie des mots relatifs à la mémoire, leur évocation
selon les contextes, les époques et les pays, un inédit du professeur Pawel
Machcewicz, directeur du Musée de la Seconde Guerre mondiale à Gdansk de 2008 à
2017 – sans compter un détour par le siège de l’Alcazar de Tolède en 1936 ou
encore le siège de Leningrad (1941-1944), autant de lieux où les commémorations
peuvent se révéler des pièges. On touche ici le point névralgique lorsque
l’histoire officielle l’emporte sur une mémoire embarrassante dont elle veut
précisément se débarrasser. Dans d’autres cas, cela peut être l’inverse, la
mémoire collective (pour parler vite) entravant le travail de l’historien(ne). Analyser
ces cas de figures est le travail de base de Mémoires en jeu qui ne doit laisser aucun(e) historien(ne)
indifférent(e).
Appuyée sur le site sus mentionné, la revue offre régulièrement
entretiens vidéo et promenades à travers les expositions. On ne saurait que
trop recommander aux collègues, enseignants en lycées et universités, de
demander l’abonnement à leur bibliothèque, médiathèque et autres services
communs de documentation. Elles/ils y
trouveront support à leur enseignement comme à leurs propres recherches et aussi
un grand plaisir de lecture à l’instar de l’auteure (qu’on me pardonne, mais
« autrice », je n’y arrive pas !) de ces lignes.
Sonia Combe
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