Tribune publiée dans Le Monde,
12 février 2014
Depuis plusieurs semaines
se multiplient les propos et les rumeurs les plus invraisemblables sur ce que
d’aucuns nomment la « théorie du genre ». Même le Ministre de
l’Education Nationale se croit obligé de dire qu’elle n’est pas enseignée dans
les écoles !
Mais comment le serait-elle
puisqu’elle n’existe pas ?! Rappelons ici quelques vérités toute simples
qui semblent pourtant avoir déserté le débat public à force de discours
mensongers.
La notion de genre remet en
question des stéréotypes liés aux différences biologiques, qui ne sont
aucunement niées. La question n’est pas de faire comme s’il n’y avait pas de
différence physique entre un garçon et une fille (sexe biologique) ; la
question est de savoir en revanche comment cette différence biologique sert
d’argument pour légitimer des inégalités (sexe social) de tous ordres au
détriment des femmes.
Les études sur le genre
s’appuient sur un corpus de travaux empiriques validés au sein de communautés
scientifiques internationales dont la rigueur et l’autonomie intellectuelles
sont reconnues ; elles ont notamment montré que cette différence
biologique sert dans nos sociétés, y compris prétendument développées et
éclairées, de justification magique à un certain nombre de
discriminations : les femmes participent moins à la vie publique ou
politique, elles bénéficient d’une moindre reconnaissance professionnelle dans
les déroulements des carrières, elles touchent des salaires inférieurs pour le
même travail, elles accomplissent la plus grande part des tâches domestiques
(cuisine, ménage, courses, soins aux enfants ou aux personnes âgées).…Leurs
choix de métiers sont plus contraints et restreints que ceux des hommes, elles
ont des libertés de choix en matière amoureuse ou sexuelle diminuées voire
niées…
Les études sur le genre ont
donc permis de comprendre et de lutter contre les stéréotypes associés
aux différences entre les sexes et leurs effets dévastateurs aussi bien pour
l’épanouissement des filles que des garçons. Afficher fièrement comme
certains : « Touche pas à mon stéréotype ! » c’est revendiquer
un droit à la bêtise, à la paresse intellectuelle et aux conceptions les plus
rétrogrades et conservatrices qu’elles autorisent !
Dans la tradition
intellectuelle des Lumières, les sciences humaines et sociales – et parmi elles
les études sur le genre qui associent des sociologues, des politistes, des
historiens, des juristes, des ethnologues… – contribuent par leurs analyses et
leurs travaux à démonter les mécanismes des inégalités sociales et contribuent
ainsi au progrès social. Nous ne pouvons donc que condamner les invocations
fallacieuses à des fins politiques rétrogrades, sexistes et racistes de
prétendues théories sociologiques qui n’ont jamais eu cours dans nos domaines
scientifiques. Car, redisons-le : “la théorie du genre n’existe pas”.
Malheureusement dans la période
de crise et de désespérance sociale que nous connaissons, ce discours
manipulatoire trouve un certain écho même dans les familles qui sont victimes
au quotidien de ces inégalités. Il est du devoir des éducateurs, –
enseignant.e.s et familles – de condamner ces discours aussi mensongers que
dangereux.
Les membres signataires de
ce collectif sont Laurent Colantonio ( Comité de vigilance
face aux usages publics de l’histoire) ; Laurence De Cock (collectif
Aggiornamento histoire-géographie) ; Didier Demazière (Association
française de sociologie) ; Julien Fretel (Association des
enseignants et chercheurs en science politique) ; Marjorie Galy
(Association des professeurs de sciences économiques et sociales) ;Françoise Lafaye
(Association française d’ethnologie et d’anthropologie) ; Margaret Maruani
(Réseau de recherche international et pluridisciplinaire « Marché
du travail et genre » ); Nonna Mayer (Association
française de science politique) ; Julien O’Miel (Association
nationale des candidats aux métiers de la science politique) ; André Orléan (Association
française d’économie politique) ; Laurent Willemez
(Association des sociologues enseignants du supérieur).
Merci, si vous le voulez
bien, de signer et faire signer massivement cette pétition qui constitue la
reprise de l’Appel de Strasbourg pour la défense des études sur le genre et
contre la campagne de désinformation menée par les milieux d’extrême-droite :
http://www.petitionpublique.fr/?pi=P2014N45876
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