dimanche 13 janvier 2008

Première et Terminale ST2S, STI et STL Des nouveaux programmes qui posent problèmes par Sébastien Cote


Une récente réforme des programmes est passée assez inaperçue sans doute car elle concerne des filières technologiques assez peu connues : la série ST2S (« santé et du social », ancienne SMS) ; la série STI (sciences et technologie de l’ingénieur) et la série STL (sciences et technologie de laboratoire).
Indiquons d’emblée qu’il ne s’agit pas d’instruire un procès à propos de la rédaction de ces programmes. Il est évident que les concepteurs de ces programmes doivent relever des défis car il s’agit de filières dans lesquelles les horaires dévolus à l’histoire-géographie sont faibles (45 heures au total en Première et la même chose en Terminale) quoiqu’en progrès car jusque là l’enseignement d’histoire-géographie s’arrêtait en Première ). En outre, pour les élèves de ces classes, la matière n’est pas fondamentale (coefficient 1 au baccalauréat) et ils sont sans doute moins portés que d’autres à la réflexion abstraite.
Il est donc clair que les concepteurs ne pouvaient s’en tenir à une logique narrative et chronologique (reprenant en cela les programmes de la série STG de 2006 et 2007) et que des choix devaient être faits. Comme l’introduction générale le rappelle : « ces programmes ne sauraient prétendre à l’exhaustivité, ni notionnelle, ni spatiale, ni temporelle, ni thématique ». D’où une approche multiscalaire avec, pour chaque grand thème, un développement obligatoire qui occupe les deux tiers du temps et un « sujet d’étude » pour un tiers du temps (trois au choix en Première et deux en Terminale). Ce type d’approche est intéressante et permet plus facilement de s’adapter à la diversité du public.
Cela dit, le propre du CVUH étant la « vigilance », il nous a semblé important de porter à la connaissance de tous ces programmes car un certain nombre de choix semblent assez discutables d’autant plus que l’introduction au programme parle aussi « des connaissances nécessaires à la compréhension du pays et du monde dans lesquels ils vivent » et, un peu plus loin, d’« enjeux civiques majeurs pour notre société et notre jeunesse ».
Rappel chronologique
jusqu’en juillet 2007 : consultation des enseignants de ST2S et de STI
septembre 2007 : entrée en vigueur du programme de 1ère ST2S
septembre 2008 : entrée en vigueur du programme de 1ère STI et STL et de Terminale ST2S
septembre 2009 : entrée en vigueur du programme de Terminale STI et STL
Il faut souligner ici qu’en dépit de consultations différées et d’entrée en fonction décalées, les programmes des séries ST2S, STI et STL sont annoncés comme des « programmes communs à l’ensemble des séries technologiques » ce qui n’est pas tout à fait vrai puisque comme nous allons le voir, la série STG (sciences et technologie de la gestion) se distingue des autres.

Commentaire critique des programmes

- Programme de Première :
Le premier thème est consacré à la République des années 1880 aux années 1940. Il se décompose en un sujet obligatoire : « La France en République de 1880 au début des années 1920 » et s’arrête donc comme le montre le commentaire aux conséquences de la Première Guerre mondiale. Trois thèmes d’étude sont proposés : « Incarner la République » ; « 1936 : la république et la question sociale » ; « Combattre pour la république : Jean Moulin ».
Ainsi donc, les termes de « Vichy » et de « collaboration » ont disparu et la France des années 1940 est abordée dans le cadre d’une étude sur J. Moulin qui, on le sait, a été assassiné par les nazis. En ce qui concerne la collaboration, il y a bien une référence mais assez vague puisque le programme parle de menaces intérieures pesant sur la République. Or, on ne peut réintroduire le thème de Vichy et de la collaboration plus tard car la deuxième partie du programme intitulée « Guerre et paix, 1914-1946 » aborde le fascisme par le cas italien et se cantonne pour les guerres à une étude géopolitique, aux caractères de la guerre et à la violence vécue par les civils et les combattants.
On rappellera pour comparaison que dans les programmes de STG, il est fait mention explicitement de « Vichy » et que l’année 1940 est proposée comme thème d’étude avec l’introduction de la notion de « collaboration » et de « résistance ». Il est donc clair que les programmes de l’ensemble des séries technologiques ne sont pas homogènes.
- Programme de Terminale :
Le troisième thème s’intitule « Décolonisation et construction de nouveaux États ». Il se décompose en un sujet obligatoire : « l’Afrique subsaharienne du milieu des années 1950 à la fin des années 1980 ». À la suite de cette étude obligatoire, deux thèmes d’étude sont proposés au choix : « Léopold Sédar Senghor » et « La guerre du Biafra ».
L’étude se limite donc à une partie de l’Afrique et on précise : « après une période de tâtonnements, les indépendances se succèdent rapidement ». Les guerres de décolonisation sont escamotées alors même que l’Afrique subsaharienne n’en a pas été exempte (colonies portugaises par exemple, Kenya…). On constate aussi qu’en se focalisant sur l’Afrique subsaharienne, les programmes évacuent la question des guerres d’Indochine et d’Algérie.
Quant au choix de Senghor et en dépit de la qualité de son travail et de ses prises de position (rappelées par ailleurs dans le programme), il faut bien souligner que cet exemple permet d’aborder une colonie qui s’émancipe sans guerre coloniale (en dépit de heurts parfois violents). Surtout, ce choix est l’exemple par excellence du colonisé qui a connu l’ascension sociale grâce à la puissance colonisatrice sans rien renier de ses origines… l’indigène qui a réussi donc.
Le seul conflit abordé est celui du Biafra (pourquoi pas d’ailleurs) mais il s’agit d’une guerre civile même si on sait le rôle que certaines puissances ont pu y jouer (la France en particulier).
Là encore, on rappellera que les programmes de STG proposent « l’Algérie depuis 1954 » et « l’Inde depuis 1947 » comme thème d’étude et que le commentaire général du thème 2 (« Décolonisation et construction de nouveaux états » ) revient sur les « conditions difficiles dans lesquelles ils accèdent à l’indépendance ».
Problèmes posés par ces programmes
Il faut souligner en préambule qu’au cours des consultations les enseignants et les syndicats avaient fait un certain nombre de remarques sur ces programmes en déplorant l’absence de Vichy et celle de l’Afrique dans son ensemble voire de l’Afrique du Nord ou de l’Asie. Ils n’ont pas été entendus même si on peut toujours argumenter en soulignant qu’une consultation donne des résultats souvent contradictoires.
Le premier problème posé réside à notre sens dans l’hétérogénéité des programmes des séries technologiques car comme nous l’avons montré, la série STG n’est pas concernée par cette nouvelle rédaction.
D’autre part, cela va engendrer une profonde inégalité dans la formation historique reçue. Ainsi, en Première, les élèves qui étudieront dans le cadre de « La république de 1880 à 1920 » le sujet sur « Incarner la République » n’auront certainement pas les mêmes « connaissances nécessaires à la compréhension du pays dans lequel ils vivent » que ceux qui étudieront « Jean Moulin » et dont le professeur sera obligé d’expliquer le contexte général des années 1940.
De même en Terminale, étudier la guerre du Biafra à la suite du thème général sur l’Afrique sub-saharienne permet d’évacuer presque entièrement l’idée de guerre coloniale… sauf si l’enseignant précise bien ce que sont les « tâtonnements » des années 1957-1962.
Cela fait aussi peser une responsabilité sur les manuels scolaires qui se voient contraints de compléter le programme ! Ainsi, dans des manuels récents (rentrée 2007, 1ère ST2S), les auteurs créent des pages totalement hors programme (« La France dans la Seconde guerre mondiale »). Dès lors, de deux choses l’une, ou bien l’enseignant suit le manuel (mais il ne suit pas alors le programme) ou alors il choisit de ne pas le faire ; le risque est donc grand d’une distorsion importante de formation entre les classes. La question de l’égalité républicaine dans l’enseignement public peut donc se poser.
Enfin, cela pose aussi le problème du lien entre enseignement et travail d’historien. En effet, même si ce programme présente par ailleurs des aspects novateurs et une volonté de prendre en compte des évolutions de la réflexion historique (ainsi en Première, le thème 2 : « Guerre et paix, 1914-1946 » qui insiste sur la « violence vécue par les combattants et les civils » ), il n’en reste pas moins qu’à l’heure où les questions coloniales font un retour spectaculaire sur la scène historique, éditoriale, médiatique et politique, la disparition des guerres coloniales peut surprendre.
Conclusion
Il convient de rappeler ici que le CVUH ne fait en la matière aucun procès d’intention. Il souhaite simplement manifester sa vigilance sans aucune « vision de l’histoire » qui lui serait propre mais toujours dans la perspective de contribuer à donner aux élèves quelle que soit leur filière « des connaissances nécessaires à la compréhension du pays et du monde dans lesquels ils vivent ».

jeudi 10 janvier 2008

Conférence de Laurent Douzou La lecture de la lettre de Guy Môquet : histoire, mémoire et politique mercredi 13 février - Paris Sorbonne


Le Comité de vigilance sur les usages de l’histoire (CVUH)


vous invite, mercredi 13 février 2008, à la conférence deLaurent Douzou, professeur d’histoire contemporaine (Institut d’Études Politiques de Lyon) :

La lecture de la lettre de Guy Môquet : histoire, mémoire et politique

Première décision du nouveau président de la République, annoncée le jour même de son intronisation, la lecture de la lettre d’adieu de Guy Môquet aux élèves des lycées a rencontré un accueil favorable avant de susciter interrogations, polémiques et confusion. Le propos de la conférence est de tenter de comprendre ce que cet épisode peut révéler des différents usages de la mémoire et des difficultés de tous ordres qu’ils ne manquent pas de soulever.
La conférence commencera à 19H00. Elle durera une heure et sera suivie d’un échange avec les participants. Elle aura lieu dans l’amphi gestion (Entrée place de la Sorbonne, puis prendre à droite la Galerie Dumas. Au bout de cette galerie l’amphi est indiqué : il se trouve en haut des escaliers).
Laurent Douzou est notamment l’auteur de :
La Résistance française, une histoire périlleuse : essai d’historiographie, Le Seuil, 2005.
Voler les juifs, Lyon, 1940 - 1944, Hachette Littératures, 2003.
La désobéissance, histoire du Mouvement Libération-sud, Odile Jacob, 1995.