Dérogeant, en apparence, à nos objectifs, en prenant l’initiative de sauver des manuscrits historiques de la loi du marché, il nous a semblé nécessaire d’engager le CVUH dans cette voie afin de réaffirmer la nécessaire conservation publique de documents du passé, quelle qu’en soit la provenance. Il nous faut en effet protester vigoureusement contre les usages, scandaleusement privés, des sources de l’histoire, usages qui vont à l’encontre d’une histoire appartenant à tous. Aucun document historique, en effet, ne peut devenir propriété privée, à fortiori par un système de vente aux enchères. Le savoir n’est pas une marchandise, faut-il le rappeler. C’est pourquoi il nous importe de garder, à la disposition du public, les sources à partir desquelles l’histoire se pense et s’écrit. C’est tout particulièrement le cas lorsqu’il s’agit d’archives portant sur un événement et un acteur aussi déterminants pour l’écriture de l’histoire que la Révolution et que Robespierre. C’est l’Assemblée nationale constituante qui transforme dès 1790 ses propres papiers en Archives Nationales.
Le CVUH se fait donc le relais de l’appel de Pierre Serna publié le 4 mai 2011 dans le journal Le Monde. Il concerne la vente prochaine, chez Sotheby’s, de documents inédits signés de la main de Robespierre, de nature épistolaire, notamment. Ces documents, qui font partie de l’Histoire de France, pourraient fort précieusement alimenter le travail de la Société des Etudes Robespierristes.
URGENT : appel à souscription :
Les chèques sont à adresser à la société des études robespierristes avec mention au dos du chèque : " Pour les manuscrits de Robespierre" et à l’ordre de la société des études robespierristes. Adresse : 17 rue de la Sorbonne 75231 Paris cedex 05.
Chacun recevra un reçu dont il pourra faire déduire 66.66 % de leur impôt sur le revenu 2011.
Le texte de Pierre Serna, Président de l’IHRF.
Il faut sauver le soldat Maximilien ! A chacun ses combats ! Celui-là en vaut la peine ! De quoi s’agit-il ? Le mercredi 18 mai à 14 h 30 chez Sotheby’s, seront mis en vente deux lots de manuscrits datant de l’époque de la Révolution française. Le premier (estimé entre 30 000 et 40 000 euros) contient une série de lettres d’Augustin Robespierre à son frère, mais surtout quelques missives du député Le Bas, le même qui demanda à être arrêté avec les deux frères, le 9 thermidor, et préféra se suicider le 10 thermidor, plutôt que de subir le couteau de la guillotine.
Une série de lettres détaille son action politique et permet de le situer dans un contexte familial précis et des plus intéressants à étudier pour comprendre le culte et la mémoire des héros républicains après leur disparition. Le second lot, beaucoup plus important et donc bien plus cher (200 000 à 300 000 euros), contient des documents encore plus précieux, puisque rédigés de la main même de celui qui fut appelé "l’Incorruptible".
Ce sont des discours, des projets d’articles de journaux, des brouillons de rapports devant être lus à la Convention, et le fragment d’un discours écrit à la veille de son arrestation, l’avant-veille de sa mort, discours contre la conspiration en train de se préparer contre lui et ses proches. Une lettre sur la vertu et le bonheur termine cette série de documents exceptionnels qui manquent aux collections de manuscrits aussi bien des Archives nationales que de la Bibliothèque nationale de France (BNF). Ce serait une grande perte si ces deux lots devaient terminer dans des fonds privés à l’étranger ou, plus humiliant, s’ils venaient à être acquis par une bibliothèque hors de France.
Pour le moment, aucune institution ne s’est déclarée intéressée ou prête à acheter les deux lots. Mais il n’est pas trop tard et une décision politique au niveau élevé du ministère de la culture - ou encore plus haut - peut encore intervenir pour que ces documents uniques restent en France et soient consultables gratuitement par tout un chacun.
Il ne s’agit pas ici, malgré la haute dimension symbolique de la main qui tint la plume, de verser dans des considérations partisanes qui n’ont que trop pollué le débat sur l’interprétation de la Terreur. Il ne s’agit ni d’imaginer que l’achat des lots constituerait un acte relevant d’une ultime marque de déférence pour le concepteur de la Terreur (ce qu’il ne put être seul d’ailleurs), ni une façon d’enrichir la légende noire qui depuis deux cents ans n’a pas manqué de s’acharner sur le personnage.
Au coeur de la machine
Rien de ces deux postures n’est en jeu ici. Seulement la connaissance précise des conditions d’écriture de discours fondateurs dans les sciences politiques de la France contemporaine, puisqu’il s’agit de pages rédigées sur la guerre, la politique sociale, les valeurs de la République. Il faut ajouter une réflexion, rédigée en forme de lettre inédite sur le rapport complexe entre la liberté, le bonheur et la vertu.
Autant de documents qui font partie intégrante de l’Histoire de France, qui permettraient de compléter le travail d’édition auquel se livre depuis des décennies la Société des études robespierristes, livrant au public les oeuvres complètes du député. Ces documents rédigés de la main de Robespierre diraient aussi la façon de travailler, de penser, de raturer de réécrire du député, et plongeraient le lecteur au coeur de la machine du gouvernement révolutionnaire.
Il n’est pas trop tard encore ! Il faut conserver ces manuscrits, au moyen d’une souscription, au moyen d’une décision politique, au moyen d’un choix courageux d’une institution culturelle de grand renom. Encore un effort pour un achat vertueux, qui donnerait à comprendre ce que peut être le bonheur dans la République ; nous en avons besoin ! Et encore plus des manuscrits de Robespierre.
Pierre Serna, directeur de l’Institut d’histoire de la Révolution française, professeur à l’université Paris-I
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