A propos du livre Les Trois exils juifs d’Algérie de l’historien Benjamin Stora, l’hebdomadaire d’extrême droite Rivarol a publié, en juin 2008, une page aux connotations manifestement antisémites.
Cet hebdomadaire étant coutumier des provocations de ce genre – il avait publié, en janvier 2005, les propos de Jean-Marie Le Pen disant que « l’occupation allemande n’a pas été particulièrement inhumaine » pendant la seconde guerre mondiale, qui ont provoqué sa condamnation… –, on pouvait se demander si le mieux ne consistait pas à ignorer purement et simplement cette publication dont, en l’occurrence, les termes et les allusions sont formulés de telle façon qu’elle ne semble pas devoir tomber sous le coup de la loi.
Mais le fait que cet article rappelle les pires allusions obsessionnelles de la presse antisémite des années 1930 et du début des années 1940 nous amène à réagir. En effet, les caricatures accompagnant l’article cultivent ouvertement les stéréotypes que cette presse appliquait aux Juifs. Et, comme elle le faisait aussi, l’article s’en prend aux changements de patronymes opérés par tel ou tel personnage public juif, parlant notamment de Enrico Macias « alias Ghrenassia », de « son collègue Patrick Benguigui alias Bruel », du « journaliste Jean Bensaïd-Daniel » ou du « comédien Roger Lévy-Hanin ». Comment ne pas songer au thème familier de la presse antisémite d’hier, selon lequel « le Juif » chercherait à « se cacher parmi les Français », et selon lequel il s’agirait de « leur apprendre à le reconnaître » ?
Dans ces conditions, le CVUH se doit d’attirer publiquement l’attention sur le caractère nauséabond de ces propos. Ceux-ci montrent que, contrairement aux analyses de certains auteurs pour qui l’antisémitisme aujourd’hui se réduirait à une « nouvelle judéophobie » issue de l’islamisme et de « l’extrême gauche pro-palestienne », en réalité le « vieil » antisémitisme nationaliste et conservateur est loin d’avoir disparu.
Nous tenons à exprimer à notre collègue Benjamin Stora, professeur d’histoire contemporaine à L’Institut des langues et civilisations orientales (Inalco), auteur de nombreux ouvrages, notamment sur l’histoire de la colonisation et de la guerre d’Algérie ainsi que de l’immigration algérienne en France, notre entière solidarité, et plus généralement notre vigilance face à cette recrudescence.
Gilles Manceron
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire